Invité de l’émission Jury du dimanche sur iRadio, Hamidou Thiaw n’a pas mâché ses mots. Pour cet économiste et acteur engagé, le dialogue politique récemment initié par les autorités n’est rien d’autre qu’« une honte ». À ses yeux, le pays fait fausse route en accordant la priorité à des considérations électorales alors que l’urgence, martèle-t-il, est avant tout économique.
Pour M. Thiaw, le véritable défi réside dans la relance de l’emploi, l’industrialisation et une refonte en profondeur de la fiscalité. Il plaide ainsi pour un changement de cap, exhortant les décideurs à abandonner les débats politiques stériles au profit d’actions concrètes orientées vers le développement économique.
Sur le terrain de l’éducation, le constat est tout aussi sévère. Il fustige l’écart grandissant entre la formation dispensée dans les établissements sénégalais et les besoins réels du marché de l’emploi. « Une personne sans formation adaptée est difficilement insérable dans le tissu économique », alerte-t-il. Il pointe notamment la surreprésentation des séries littéraires et le manque de passerelles vers les filières techniques, jugées plus porteuses.
Dans cette optique, il appelle à une modernisation des « daaras », les écoles coraniques traditionnelles, pour les arrimer au système éducatif classique. L’objectif : permettre aux jeunes qui en sortent d’acquérir des compétences en français, anglais, mathématiques et ainsi pouvoir prétendre à des emplois dans des secteurs modernes tels que l’assurance, l’informatique ou encore la comptabilité.
Le projet de Hamidou Thiaw repose sur deux leviers majeurs. D’une part, un allègement fiscal sélectif destiné à stimuler l’investissement privé à court terme. D’autre part, une réforme en profondeur du système éducatif couplée à une politique industrielle ambitieuse, pour asseoir une croissance durable. « Il faut créer plus d’entreprises, donc réduire la pression fiscale. Mais cela passe aussi par une rationalisation des dépenses publiques », affirme-t-il.
Il dénonce au passage le train de vie jugé excessif de l’État : flottes de véhicules haut de gamme, séminaires organisés dans des stations balnéaires ou encore dépenses bureaucratiques qu’il juge superflues. Pour plus d’efficience, il propose une restructuration de l’administration, avec la fusion de certaines agences étatiques.
Se présentant comme un acteur disposant de solides relais à l’étranger, notamment aux États-Unis, en France, au sein du Club de Paris et auprès de la DFC (US International Development Finance Corporation), Hamidou Thiaw affirme être en capacité de mobiliser des financements internationaux. Il critique vertement l’incapacité du gouvernement actuel à capter des ressources extérieures. « Ils peinent à convaincre. Même la dernière tentative d’emprunt au sein de l’UEMOA a partiellement échoué », souligne-t-il.
Revenant sur le dialogue politique en cours, il y voit un exercice déconnecté des priorités populaires. « On débat encore d’élections pendant que la population lutte pour se nourrir ou se soigner. Une élection, à elle seule, ne transforme pas le quotidien des Sénégalais », martèle-t-il.
En guise d’alternative, il revendique l’organisation d’un « contre-dialogue » consacré aux urgences économiques. Axé sur des propositions concrètes en matière d’emploi, de souveraineté économique et de réforme fiscale, ce travail, assure-t-il, fera prochainement l’objet d’une publication. Et de conclure : « La politique, ce n’est pas uniquement critiquer. C’est aussi apporter des solutions. »
Article écrit par : Cira Sow.
Mis en ligne : 09/06/2025
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