La « Une » des journaux africains du mercredi 11 juin 2025 - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Afrique | Par Maimouna | Publié le 11/06/2025 09:06:55

La « Une » des journaux africains du mercredi 11 juin 2025

Au Sénégal, un mot peut coûter cher. Et ce matin, c’est « gougnafier » qui s’est frayé une place en Une de la presse dakaroise, au cœur d’une nouvelle affaire politico-judiciaire. L’ex-chef de cabinet de l’ancien président Macky Sall, Moustapha Diakhaté, a été placé en garde à vue ce mardi, poursuivi pour offense au chef de l’État. En toile de fond : une critique sur une photo officielle et un mot jugé dépréciatif.

C’est Walf Quotidien qui donne le ton : « Gougnafier, le mot de trop ». Tout est parti d’un cliché pris au Centre international de conférences Abdou Diouf, à Diamniadio, où l’on voit côte à côte les trois plus hautes figures de l’État : le président Bassirou Diomaye Faye, le Premier ministre Ousmane Sonko et le président de l’Assemblée nationale, Amadou Mame Diop.

Moustapha Diakhaté, connu pour ses prises de position tranchées, s’est indigné de cette posture protocolaire, qu’il juge contraire aux usages républicains. Selon lui, « le président doit marcher devant ». Sur les réseaux sociaux, il dégaine alors un mot : gougnafiers — qu’il attribue aux trois hommes pour dénoncer, dit-il, leur « ignorance du protocole d’État ».

Mais l’interprétation ne fait pas consensus. Si pour Diakhaté, le mot renvoie à une simple méconnaissance, les dictionnaires, eux, parlent d’un terme injurieux : rustre, goujat, bon à rien. L’argument de la liberté d’expression résistera-t-il à cette polysémie sémantique ? La justice devra trancher.

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Auditionné par la Division des investigations criminelles (DIC), Moustapha Diakhaté a été placé en garde à vue dans l’attente de son éventuelle comparution. Il est poursuivi pour offense au chef de l’État et à des personnes assimilées, en l’occurrence le Premier ministre et le président de l’Assemblée. Selon Walf Quotidien, il encourt jusqu’à un an de prison et 100 000 francs CFA d’amende.

Dans l’opposition, la riposte est immédiate. Thierno Alassane Sall, président du parti La République des Valeurs, dénonce un acharnement : « L’insécurité règne, les braquages se multiplient, mais ce pouvoir préfère traquer ceux qui pensent autrement », tacle-t-il dans 24 Heures. Et d’ajouter : « Moustapha Diakhaté rejoint la liste des prisonniers politiques. »

Même tonalité chez Thierno Bocoum, leader du mouvement AGIR : « Libérez Diakhaté et cessez de vous ridiculiser. Dans une République digne de ce nom, aucune opinion ne devrait valoir une garde à vue, sauf si elle incite à la haine ou à la violence. »

Le malaise est plus profond. Alioune Tine, fondateur du think tank Afrikajom Center, redoute un glissement démocratique : « Cette affaire nous ramène au passé. En convoquant sans cesse opposants, activistes et journalistes pour des propos critiques, le régime actuel alimente l’idée d’un recul des libertés. La prison risque de faire des martyrs, de fabriquer des héros. »

Et d’ajouter sur Seneweb : « Dans un État de droit, la critique fait partie du jeu démocratique. Le rôle de l’opposant est de déranger. Même avec des mots durs. »

Jusqu’où peut aller la critique politique dans une démocratie ? Cette question traverse bien au-delà des frontières sénégalaises. La Nouvelle Tribune, à Cotonou, s’interroge : « Faut-il tout permettre au nom de la liberté d’expression ? Ou fixer des limites claires pour protéger les institutions ? »

Une chose est certaine : dans un contexte où les réseaux sociaux donnent un écho immédiat aux moindres mots, chaque dérapage verbal devient potentiellement une affaire d’État. Et l’affaire Diakhaté révèle aussi une réalité : la fragilité persistante de l’équilibre entre autorité, protocole et critique dans les jeunes démocraties africaines.

Article écrit par : Maimouna Ngaido
Mis en ligne : 11/06/2025

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