Jeudi dernier, les médias ont relayé la visite du député Thierno Alassane Sall (TAS) à la prison de Rebeuss, où il est allé rencontrer Abdou Nguer. L’article publié par Les Échos présente cette visite comme un geste d’humilité : l’opposant aurait, selon le journal, volontairement renoncé à ses privilèges parlementaires pour faire la queue comme tout le monde, dans les conditions pénibles des visiteurs ordinaires.
Mais faut-il vraiment saluer ce geste comme un acte de proximité et de solidarité avec le peuple ? Nous pensons, au contraire, qu’il s’agit d’une manœuvre politique calculée, teintée d’hypocrisie.
Le Sénégal traverse une période de recomposition politique majeure, avec une nouvelle génération d’opposants tentant de redéfinir leur place sur l’échiquier national. Dans ce climat où la légitimité populaire est un sésame précieux, certains hommes politiques rivalisent d’efforts pour soigner leur image. C’est dans ce contexte que s’inscrit la visite de Thierno Alassane Sall (TAS), ancien ministre reconverti en pourfendeur du régime, qui semble désormais vouloir se forger l’image du défenseur du citoyen ordinaire.
À première vue, ce geste pourrait paraître noble. Pourtant, le simple fait qu’il ait été relayé par la presse, avec une insistance particulière sur les « longues heures d’attente » et les « bancs bondés », interroge. Pourquoi insister autant sur cette attente si ce n’est pour susciter la sympathie de l’opinion publique ? Ce type de communication subtile, à peine déguisée, s’apparente davantage à une mise en scène politique qu’à une véritable prise de position courageuse.
En tant que député, Thierno Alassane Sall (TAS) bénéficie de privilèges institutionnels réels, dont celui de visites facilitées. Son choix de se soumettre aux mêmes conditions que les autres visiteurs n’efface en rien ces privilèges. Au contraire, il transforme cette exception temporaire en opportunité de communication politique. C’est moins un geste de solidarité qu’un calcul de visibilité.
Il est légitime de se poser la question : combien de fois un député comme Thierno Alassane Sall (TAS) a-t-il dénoncé publiquement les conditions d’accueil des familles dans les prisons ? A-t-il porté un projet de réforme sur la dignité des visiteurs ? L’absence de constance dans l’action révèle ici un intérêt ponctuel, opportuniste, et non un engagement de fond.
Par ailleurs, le recours à un accompagnant pour « signaler sa présence » à l’administration pénitentiaire souligne une contradiction criante : l’attente n’a été acceptée que jusqu’au moment où elle devenait inconfortable. Dès que cela fut possible, le statut de député a repris ses droits.
Ce genre de mise en scène n’est pas propre au Sénégal. Dans de nombreux pays, des figures politiques en perte de vitesse ou en quête de capital électoral n’hésitent pas à se fondre artificiellement dans le décor populaire en prenant les transports en commun, en visitant des marchés, ou en simulant la vie ordinaire. Ces actes symboliques, bien qu’impressionnants à première vue, masquent souvent une déconnexion persistante avec les réalités du quotidien.
L’épisode de Rebeuss illustre une pratique préoccupante : l’instrumentalisation de la souffrance et des conditions difficiles des citoyens à des fins d’image. Derrière l’apparente humilité, c’est bien une stratégie politique qui se dessine, éloignée d’un engagement authentique.
Les citoyens sénégalais doivent cesser de se laisser émouvoir par les gestes symboliques sans lendemain. Nous ne devons pas applaudir des visites ponctuelles, mais exiger des actions concrètes, durables, et cohérentes. Refusons la théâtralisation du pouvoir.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Cheikh Cissé.
Mis en ligne : 11/06/2025
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