Ok, mais est-ce le bon moment ? : Départ des forces françaises au Sénégal - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Politique | Par Eva | Publié le 06/07/2025 12:07:00

Ok, mais est-ce le bon moment ? : Départ des forces françaises au Sénégal

Le 1er juillet 2025, la France a officiellement remis à l’État sénégalais la station d’émission interarmées de Rufisque, scellant une étape de plus vers le retrait total des Éléments français au Sénégal (EFS). Ce démantèlement, amorcé en mars dernier avec la restitution des quartiers Maréchal et Saint-Exupéry, puis celle du quartier Contre-Amiral Protet en mai, est censé traduire une volonté de redéfinir la coopération bilatérale dans le respect de la souveraineté sénégalaise. Pourtant, malgré la symbolique de cet acte, il est légitime de s’interroger : ce retrait est-il opportun, ou est-il simplement prématuré, voire risqué, au regard des enjeux sécuritaires actuels ?

L’Afrique de l’Ouest est en proie à une instabilité croissante : coups d’État à répétition, recrudescence du terrorisme, trafic d’armes et de drogue, porosité des frontières. La bande sahélienne s’embrase tandis que les groupes djihadistes étendent leur influence vers les pays côtiers. Le Sénégal, jusque-là relativement épargné, n’est pas à l’abri. Dès lors, la question se pose : est-ce vraiment le bon moment pour démanteler un dispositif militaire stratégique vieux de 65 ans ?

Le discours officiel évoque une coopération militaire « renouvelée » et « égalitaire ». Mais dans les faits, cette rupture ressemble davantage à un désengagement. La station de Rufisque ne se limitait pas à un symbole. Elle jouait un rôle crucial dans les communications militaires sur l’ensemble de l’Atlantique Sud. Sa restitution pourrait affaiblir la capacité d’alerte précoce du Sénégal et sa coordination régionale en cas de crise.

Certes, la souveraineté nationale est un impératif. Mais celle-ci ne s’oppose pas à une présence militaire étrangère encadrée et stratégique. Le retrait français semble davantage répondre à une pression populaire croissante et à une tendance panafricaine de rejet des présences militaires occidentales qu’à une planification rationnelle fondée sur une analyse objective des menaces.

L’exemple du Mali est éclairant. Après le départ précipité des troupes françaises en 2022, le pays s’est tourné vers d’autres partenaires, notamment la Russie, avec des résultats plus que mitigés. La montée en puissance des groupes terroristes y est spectaculaire, au point de déborder vers le Niger et le Burkina Faso. Ces pays, qui ont eux aussi rompu avec la France, sont aujourd’hui isolés, militairement fragilisés, et confrontés à une dégradation constante de la sécurité.

Le Sénégal prend-il aujourd’hui le même risque ? A-t-il les moyens de compenser efficacement cette perte capacitaire ? Rien n’est moins sûr.

Il ne s’agit pas ici de regretter une quelconque tutelle postcoloniale. Mais d’interroger le calendrier et les motivations réelles d’un retrait aussi soudain. À l’heure où les alliances se redessinent, où la Russie, la Chine, et la Turquie multiplient leurs ancrages militaires en Afrique, l’absence d’un partenaire fiable comme la France pourrait laisser un vide que d’autres se hâteront de combler, parfois au prix de nouvelles dépendances moins transparentes.

La fin de la présence militaire française au Sénégal est sans doute inévitable. Mais elle aurait mérité d’être pensée avec plus de lucidité stratégique. Dans un contexte régional explosif, il est permis de douter que ce soit le bon moment. Plutôt qu’un signe de maturité diplomatique, ce retrait donne l’image d’un repli précipité, à contretemps des enjeux de sécurité nationale et régionale. Le Sénégal aurait gagné à exiger une transition plus lente et mieux encadrée. Quitter, oui. Mais pas n’importe quand.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Momar Faye.
Mis en ligne : 06/07/202
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kamara
nous allons nous débrouiller sans eux
Le 2025-07-06 18:42:19

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