Hier encore, les premières gouttes de pluie sont tombées sur Touba. Un simple orage a suffi à réveiller les vieux démons de l’inondation, plongeant la population dans l’angoisse d’un hivernage catastrophique. Un citoyen, plein de bonne foi, a lancé un appel pressant aux autorités étatiques, déplorant l’absence de curage des canalisations.
Ce cri du cœur, bien que légitime dans la forme, manque cruellement de lucidité dans le fond. Arrêtons de faire porter à l’État tous les péchés d’une ville qui refuse de balayer devant sa propre porte.
Chaque année, Touba vit les mêmes scènes. Dès les premières pluies, les quartiers se transforment en marécages, les routes deviennent impraticables, les maisons inondées, et la population, outrée, se tourne vers l’État pour demander des comptes. Mais à quel moment cette population regarde-t-elle ses propres comportements ? Quand prendra-t-elle conscience qu’une canalisation bouchée par des sachets, des ordures ménagères ou même des débris de construction n’a aucune chance de remplir sa fonction ?
Touba, capitale spirituelle du mouridisme, s’enorgueillit de ses valeurs religieuses, de ses grandes mosquées, de son prestige symbolique. Mais à quoi sert-il d’ériger des bâtiments majestueux si, dès les premières pluies, les alentours se transforment en cloaque ? La vérité dérange, mais il faut la dire : les milliards investis dans les lieux de culte ne sont d’aucune utilité quand les fidèles pataugent dans les eaux usées faute de simples canalisations entretenues.
Le curage des canaux est une obligation, certes, mais il devient un effort vain lorsque ces mêmes canaux sont constamment obstrués par des déchets jetés sans aucun civisme. Qui sont les responsables ? Ceux qui construisent sans permis, qui déversent leurs ordures dans les caniveaux, ou ceux qui laissent prospérer l’anarchie urbaine sans alerter ni sanctionner ? Touba a un problème de gouvernance locale, mais aussi un problème de conscience collective.
À Saint-Louis, à Ziguinchor, ou même à Dakar, les populations commencent à s’organiser, à initier des actions citoyennes pour maintenir les rues propres, curer les canaux, et exiger des comptes à leurs élus. À Touba, on attend que l’État central agisse, tout en ignorant que la gestion municipale repose d’abord sur les élus locaux et sur les citoyens eux-mêmes.
Touba ne doit pas être une ville sanctuaire uniquement dans les discours. Elle doit incarner un modèle, aussi bien spirituel que civique. Cesser d’accuser toujours l’État. La pluie ne choisit pas où elle tombe. Mais l’inondation, elle, est le fruit de l’incurie humaine. Si les comportements ne changent pas, aucun plan d’urgence ne suffira. Il faut une prise de conscience collective, une vraie rupture avec l’indifférence, et un appel clair à la responsabilité de chacun.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Mohamed Marr.
Mis en ligne : 12/06/2025
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