Le décès tragique de Ngoné Ndiaye en Turquie, survenu lors d’une opération de chirurgie esthétique, n’est pas un simple fait divers. C’est le symptôme effrayant d’une société sénégalaise malade, où le culte de l’apparence, alimenté par les réseaux sociaux et les influenceurs, pousse de jeunes femmes à risquer leur vie pour coller à une image irréaliste du « corps parfait ». Cette dictature de la beauté est un fléau, et elle tue.
Depuis quelques années, les standards de beauté au Sénégal ont été déformés par l’influence toxique des réseaux sociaux. Des silhouettes sculptées, des fessiers disproportionnés, des tailles de guêpe : ces modèles, largement partagés et glorifiés par des célébrités locales et internationales, deviennent des normes, voire des obligations sociales. Les cliniques à l’étranger, notamment en Turquie ou en Tunisie, prospèrent sur l’insécurité corporelle de nos jeunes femmes. Et le pire ? Ce commerce de l’illusion est normalisé, voire encouragé.
Des femmes sénégalaises se ruinent financièrement, physiquement, psychologiquement dans la quête d’un corps conforme à ce que prônent TikTok et Instagram. Une liposuccion à plus d’un million, un BBL à deux millions, des dents refaites à coups de centaines de milliers de francs CFA… Le coût est exorbitant. Mais ce ne sont pas que des chiffres : ce sont des corps mutilés, des vies brisées, des morts évitables.
Des jeunes filles comme Adji Mass qui frôlent la mort, d’autres réduites à se nourrir exclusivement de bouillie à cause de complications, ne sont pas des exceptions : elles sont les victimes silencieuses d’une pression sociale délirante.
Premièrement, cette obsession du corps parfait est le résultat d’une manipulation commerciale. Les agences comme Glam Travel en Tunisie offrent des opérations gratuites à certaines influenceuses en échange de visibilité. Mais soyons lucides : lorsqu’un service est gratuit, c’est la cliente ou plutôt la proie qui devient le produit.
Deuxièmement, l’inaction de l’État et des médias face à cette situation est une honte. Où sont les campagnes de prévention ? Où sont les discours publics dénonçant ce fléau ? Le silence est complice. Pendant ce temps, des jeunes femmes continuent de tomber dans le piège de la perfection numérique.
Le phénomène n’est pas propre au Sénégal. Au Brésil, le pays roi du BBL, des dizaines de décès ont été recensés ces dernières années. Aux États-Unis, des études ont montré le lien direct entre les réseaux sociaux et les troubles de l’image corporelle chez les adolescentes. Mais ailleurs, des politiques publiques ont vu le jour : sensibilisation, régulation des cliniques, encadrement des promotions d’influence. Et chez nous ? Rien.
Dénoncer ce système qui glorifie la douleur, la transformation extrême, la mutilation, au nom de likes et de validation éphémère. Chez femmes, vous n’avez pas besoin de ressembler à une image retouchée pour être belle, aimée, ou respectée. Le corps parfait n’existe pas. Ce qui doit être « retouché », ce n’est pas votre silhouette, c’est cette société malade de paraître.
Ngoné Ndiaye n’est pas morte pour rien. Son décès doit être le point de départ d’un éveil collectif. Le culte du corps parfait tue. Débranchons les filtres, dénonçons les marchands d’illusion, et reconstruisons une société où le corps réel a le droit d’exister sans honte, sans chirurgie, sans souffrance.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Nikita Ndiaye.
Mis en ligne : 13/06/2025
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