Dans une réflexion partagée ce week-end, Thierno Bocoum, président du mouvement AGIR, a tenu à nuancer les discours enthousiastes autour d’une supposée « rupture » incarnée par le régime actuel. L’ancien député s’adresse directement à ceux qui, selon lui, attendent de lui une déclaration d’adhésion automatique au nouveau pouvoir sous prétexte d’ouverture médiatique ou judiciaire.
« Rupture dites-vous ? », interroge-t-il d’emblée, avant de dérouler une série d’arguments mettant en garde contre une vision ritualisée de la rupture. À ses yeux, cette notion ne peut se résumer à des gestes ponctuels ni à des décisions institutionnelles attribuées exclusivement à la volonté politique du moment.
Revenant sur son propre parcours, Bocoum rappelle qu’il avait été invité sur la RTS alors qu’il était dans l’opposition sous le régime de Macky Sall, avant que certaines restrictions ne le visent par la suite. « Le régime était déjà bien installé depuis deux ans quand j’ai été invité », souligne-t-il, notant que les censures étaient venues plus tard. En comparaison, estime-t-il, le pouvoir actuel n’a pas encore atteint ce cap temporel et ne peut donc se targuer d’un bilan plus vertueux.
Pour Thierno Bocoum, la rupture ne saurait être authentique que si l’ouverture observée aujourd’hui se confirme dans la durée et survit aux contingences politiques. Il en appelle à juger les actes sur le long terme, et non à travers le prisme de l’émotion ou de l’allégeance partisane.
Il salue cependant le professionnalisme de Pape Alé Niang, directeur général de la RTS, qu’il considère comme un homme intègre « jusqu’à preuve du contraire ». Mais il met en garde contre une lecture réductrice du fonctionnement des institutions : « Si tout ce qui fonctionne désormais est le fruit d’un ordre venu d’en haut, où est la rupture ? », s’interroge-t-il.
L’ancien député revient également sur le rôle de la justice dans des décisions marquantes de la période récente, en particulier sous Macky Sall : la validation de la candidature de Bassirou Diomaye Faye ou encore la réintégration d’Ousmane Sonko sur les listes électorales. À l’époque, rappelle-t-il, ces décisions avaient été saluées comme des preuves d’indépendance.
Dès lors, il déplore que ces mêmes institutions soient aujourd’hui « infantilisées » par certains militants, qui y voient la main cachée des nouveaux dirigeants plutôt que le résultat d’un processus judiciaire autonome. « Cette logique est inquiétante », avertit-il, regrettant une tendance à nier le mérite individuel et la capacité des institutions à fonctionner de manière indépendante.
En définitive, pour Thierno Bocoum, « changer de donneur d’ordres n’est pas une rupture, c’est une reconduction ». Il invite les partisans du pouvoir en place à faire preuve de cohérence en ne niant pas l’essence même de la rupture qu’ils revendiquent.
« La rupture n’est pas un slogan », martèle-t-il, « c’est un acte qui s’inscrit dans le respect des principes de liberté, de justice et de pluralisme. » Une mise au point qui vient rappeler, en pleine transition politique, que les promesses de changement devront encore faire leurs preuves à l’épreuve du temps.
Article écrit par : Emmanuel Ndour
Mis en ligne : 15/06/2025
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