S’il dit vrai, il mérite bien plus qu’un simple interrogatoire. Mansour Kane, contrôleur du Trésor public écroué dans l’affaire des chèques volés, aurait fourni à la Division des investigations criminelles (DIC) des informations susceptibles de faire trembler toute une chaîne de complicités nichées au cœur du Trésor public sénégalais.
Extrait de sa cellule pour être réentendu dans le cadre de cette enquête tentaculaire, Mansour Kane a, selon les révélations du journal Libération ce mardi 17 juin, procédé à un déballage explosif. Un témoignage-choc qui pourrait bien redéfinir les contours d’un scandale financier aux ramifications profondes.
Dès le début de son audition, l’ex-contrôleur du Trésor public a tenu à délimiter sa responsabilité personnelle : « Je ne reconnais que les deux chèques remis à Ahmed Tidiane Nam et Ramatoulaye Fall, objet de mon mandat de dépôt. Lors de mon arrestation, j’ai expliqué mon mode opératoire et je maintiens ma position. » Une façon pour lui de se désolidariser des autres volets de l’affaire, notamment des accusations formulées par Abdoulaye Bâ, transitaire chez Niany Transit, qui affirme avoir reçu de lui un chèque de 574,643 millions de francs CFA contre une commission de 12 %.
Face à cette accusation, Kane nie catégoriquement et renvoie la balle : « Abdoulaye Bâ connaît tout le monde au Trésor. » Une déclaration qui laisse penser que d’autres agents du Trésor public seraient impliqués dans ce trafic de chèques.
Mais le plus troublant réside dans les révélations structurelles faites par Kane. Il parle d’un système enraciné, toléré voire maquillé en toute connaissance de cause : « J’ai exploité une faille du système, reconnaît-il. Mais je ne suis pas le seul. On veut me faire porter le chapeau parce que je suis tombé en premier. Ce type de deal, d’autres l’ont proposé avant moi. Ce trafic de chèques est une pratique courante au Trésor. »
Il va plus loin en identifiant des zones névralgiques : « Il faut s’intéresser aux services chargés du rapprochement entre les comptes des comptables centralisateurs, comme l’ACCT. Normalement, tout écart dans les soldes doit être détecté et corrigé. Mais chaque année, certains s’arrangent pour rendre ces soldes artificiellement nuls. »
Autrement dit, le Trésor public, censé incarner la rigueur financière de l’État, fonctionnerait avec des pratiques internes qui facilitent, voire encouragent, les dérives frauduleuses.
Le parquet financier, désormais en possession des conclusions de l’enquête de la DIC, devra se pencher avec minutie sur un dossier qui implique trois carnets de chèques, soit 150 chèques soustraits frauduleusement du bureau « Guichet et compte dépôt » du Trésor. Une partie des chèques a permis de régler plus de 7,8 milliards de francs CFA en droits de douane au Port de Dakar.
Au-delà des montants astronomiques, l’enquête révèle un système occulte de commissions dont tous les bénéficiaires ne sont pas encore identifiés. Si ces soupçons se confirment, c’est l’intégrité même du Trésor public qui est en jeu.
Ce dossier, qui n’a peut-être encore révélé qu’une partie de sa complexité, ressemble à un iceberg judiciaire dont la masse immergée pourrait emporter plusieurs figures du circuit financier national.
Article écrit par : Maimouna Ngaido
Mis en ligne : 17/06/2025
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