Au Sénégal, une inquiétante tendance se dessine : pour « devenir une star », il ne semble plus nécessaire de cultiver son talent ou de miser sur l’excellence. Ce qui prime désormais, c’est la transformation physique et les plateaux de tournage de séries télévisées. Bien que des voix affirment qu’il n’est pas indispensable de passer par la chirurgie esthétique ou les séries pour réussir, la réalité du terrain montre une toute autre facette.
Le Sénégal connaît une explosion de la culture médiatique. Les réseaux sociaux, les séries locales à succès, et les influenceurs redéfinissent les standards de beauté et de réussite. La jeunesse, avide de reconnaissance, observe avec admiration des figures publiques qui, bien souvent, doivent leur ascension à un changement physique spectaculaire ou à une visibilité télévisuelle, plus qu’à un réel talent artistique. Cette dynamique, alimentée par les médias, installe un modèle toxique de réussite.
Derrière les discours bien-pensants qui valorisent le travail et le talent, les faits sont têtus : de plus en plus de jeunes Sénégalaises se tournent vers la chirurgie esthétique, notamment les Brazilian Butt Lift (BBL), pour espérer décrocher une carrière d’influenceuse ou jouer dans des séries. Ce phénomène n’est pas anecdotique. Il suffit de parcourir les réseaux sociaux ou les magazines de divertissement locaux pour constater la normalisation de ces pratiques.
Ces interventions sont parfois pratiquées dans des conditions sanitaires douteuses, avec des risques énormes pour la santé. Mais qu’importe, tant que la silhouette colle aux standards en vogue, et que le visage « photogénique » plaît aux directeurs de casting.
Les séries sénégalaises à succès deviennent aujourd’hui des usines à fabriquer de la célébrité éphémère. Le problème, ce n’est pas l’existence de ces productions, mais leur instrumentalisation : elles sont perçues comme le seul moyen de sortir de l’anonymat et de la précarité. On y brille souvent plus par son apparence que par son jeu d’acteur. Les critères de sélection y sont flous, et favorisent des profils répondant aux injonctions esthétiques du moment.
Dans d’autres pays africains comme le Nigeria ou l’Afrique du Sud, le succès dans les industries créatives reste largement corrélé à la performance, à la formation, et à la créativité. Certes, la pression esthétique existe partout, mais elle ne devient pas une condition préalable à la réussite. Pourquoi le Sénégal s’enferme-t-il dans cette impasse superficielle ?
La jeunesse sénégalaise a besoin de repères solides, pas d’illusions nourries par des transformations corporelles spectaculaires et des rôles secondaires dans des séries souvent superficielles. Continuer à valoriser l’artifice et les paillettes, c’est hypothéquer l’avenir culturel et moral du pays.
Refusons collectivement cette course à l’image. Valorisons nos artistes, nos créateurs, nos entrepreneurs qui réussissent sans avoir cédé à la dictature de l’apparence. Le Sénégal ne doit pas devenir une vitrine creuse où brille le vide. Redonnons à la célébrité sa dignité : qu’elle soit le fruit du talent, de l’engagement, et de l’authenticité.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Eve Sagna.
Mis en ligne : 19/06/2025
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