La Confédération africaine de football (CAF) vient de dévoiler en grande pompe son nouveau programme intitulé CAF Impact, censé renforcer les capacités financières de ses fédérations membres. Doté d’un budget de 1,6 million de dollars par fédération, assorti d’une prime de performance de 500 000 dollars, ce dispositif est présenté comme un levier de transparence, de développement et d’équité, notamment en faveur du football féminin et des jeunes.
Pourtant, derrière ces annonces séduisantes, se cache une menace bien réelle : le manque de rigueur et de transparence qui gangrène de nombreuses fédérations africaines.
Le football africain n’est pas seulement miné par des résultats sportifs inconstants. Il souffre aussi et surtout d’un système opaque où les conflits d’intérêts, la mauvaise gestion, et parfois même la corruption, dictent trop souvent les règles du jeu. Depuis des années, plusieurs rapports, témoignages et enquêtes journalistiques ont mis en lumière les détournements de fonds, l’opacité des appels d’offres ou encore la complaisance de certaines CAF régionales. Injecter des millions de dollars dans ce marécage institutionnel sans garantie ferme de réformes internes, c’est jeter de l’essence sur un feu mal éteint.
Sur le papier, CAF Impact paraît bien intentionné. Allouer 50 % des fonds au football féminin et de jeunes est une excellente idée. Promettre des audits indépendants et un règlement rigoureux est une autre mesure louable. Mais dans la pratique, à quoi bon parler d’ »audits » quand de nombreuses fédérations membres n’ont même pas une comptabilité fiable, encore moins des états financiers disponibles au public ? Le passé récent a montré que les fonds de développement de la FIFA ou de la CAF ont souvent été utilisés à des fins autres que sportives, dans le silence complice des dirigeants.
Prenons le cas du Nigeria, où d’anciens dirigeants de la fédération ont été accusés de détournements de fonds alloués au développement du football. Au Cameroun, la gestion de la FECAFOOT a souvent été pointée du doigt pour son opacité. Plus récemment encore, certaines fédérations en Afrique de l’Ouest ont vu leurs subventions utilisées pour entretenir des réseaux de clientélisme local, au détriment des structures de base. Pourquoi serait-il différent cette fois-ci ? L’argent ne répare pas les institutions défaillantes : il les fragilise davantage s’il est mal encadré.
Les instances africaines de football doivent cesser de faire de l’affichage et poser des actes concrets. CAF Impact aurait dû être précédé par une réforme structurelle des fédérations membres : transparence budgétaire, obligation de rendre compte, évaluation publique des projets financés. Sans cela, cette pluie de dollars ne fera qu’entretenir les pratiques prédatrices de dirigeants peu soucieux du bien commun.
Au lieu d’être une chance, CAF Impact pourrait bien devenir un miroir aux alouettes pour le football africain. À quoi bon verser des millions si les bases sont pourries ? Il est urgent que les supporters, les journalistes, les athlètes eux-mêmes, exigent des comptes et un changement de culture dans la gestion des affaires sportives. Le véritable impact viendra non pas de l’argent injecté, mais de la rigueur avec laquelle il sera utilisé.
Le football africain n’a pas besoin de plus d’argent. Il a besoin de plus d’honnêteté.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Yves Sagna.
Mis en ligne : 19/06/2025
—
La plateforme NOTRECONTINENT.COM permet à tous de diffuser gratuitement et librement les informations et opinions provenant des citoyens. Les particuliers, associations, ONG ou professionnels peuvent créer un compte et publier leurs articles Cliquez-ici.
