L’affaire Adji Sarr–Ousmane Sonko a profondément ébranlé le Sénégal, touchant ses fondements démocratiques, moraux et judiciaires. Trois années de tumultes, de violences, de débats passionnés et d’interprétations politiques ont plongé le pays dans une fracture encore béante. Si certains appellent à un nouveau procès équitable et transparent, il faut néanmoins reconnaître que cette affaire n’était pas un complot d’État, mais bien un scandale réel dont les protagonistes portent une lourde part de responsabilité. Il ne s’agissait pas d’un piège machiavélique orchestré par le régime de Macky Sall, mais d’un fait divers que le pouvoir a su exploiter, certes, à des fins politiques.
En 2021, une jeune femme du nom d’Adji Sarr accuse Ousmane Sonko, opposant politique majeur, de viols répétés dans un salon de massage. Immédiatement, les camps se forment : les uns crient au complot politique, les autres réclament justice pour la victime. Le procès du 1er juin 2023 condamne Sonko pour « corruption de la jeunesse » mais l’acquitte pour viol. Une décision qui ne clôt pas le débat, d’autant que le jugement est ensuite annulé pour vice de procédure. Depuis, l’affaire s’est tue, comme si le silence pouvait en effacer les traces.
Comparer cette affaire à celle de Maître Babacar Sèye n’est pas anodin. À l’époque, beaucoup voyaient un coup tordu du pouvoir socialiste ; pourtant, les années Wade ont révélé d’autres vérités : Clédor Sène, acteur central de l’assassinat, a continué d’alimenter le flou sans jamais vraiment lever les doutes sur ses réelles motivations. Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui reconnaissent que l’ancien régime n’a pas monté de toutes pièces ce crime, mais qu’il l’a récupéré. De même, dans le dossier Sonko-Sarr, il faut cesser d’accuser l’État d’avoir inventé l’affaire. Il l’a peut-être utilisée, oui. Mais il ne l’a pas créée.
Le comportement d’Ousmane Sonko est loin d’être transparent. Son refus de se présenter au procès, son silence calculé, ses discours orientés vers la victimisation permanente n’ont jamais permis d’éclaircir le fond de l’affaire. Ce flou volontaire a fini par alimenter les soupçons.
Ndèye Khady Ndiaye, co-accusée et gérante du salon Sweet Beauté, semble entretenir un rapport ambigu avec la vérité, usant de déclarations parfois incohérentes et adoptant aujourd’hui une posture de chantage implicite envers les autorités.
Le peuple n’est pas dupe. Si une partie de l’opinion a soutenu Sonko contre ce qu’elle croyait être une cabale politique, beaucoup, y compris parmi ses plus fervents partisans, commencent à admettre que des zones d’ombre subsistent. Certains « pastéfiens » évoquent désormais, à demi-mot, leur implication dans des actes de sabotage ou de violence sous l’ère Macky Sall, que l’on pensait pure invention du pouvoir.
Ce n’est pas l’État qui a détruit la réputation de Sonko, mais bien l’affaire elle-même. Si elle était aussi fictive qu’on l’a clamé, pourquoi tant de contradictions, tant d’efforts pour l’enterrer ?
Tout comme l’assassinat de Maître Babacar Sèye, l’affaire Adji Sarr connaîtra sa vérité dans le temps. Le régime de Wade a permis de mieux comprendre le crime de 1993. De même, le comportement du nouveau pouvoir, la posture d’Ousmane Sonko en tant que Premier ministre et les jeux de coulisse avec certains acteurs comme Ndèye Khady Ndiaye, finiront par révéler qu’il n’y avait pas complot, mais bien une vérité dérangeante que certains préfèrent ne pas regarder en face.
Il faut cesser de faire de cette affaire un tabou national. Ce n’est qu’en regardant les faits avec lucidité, en interrogeant le silence complice de certains acteurs et en refusant de se réfugier dans la théorie du complot, que le Sénégal pourra espérer guérir. Ousmane Sonko et Adji Sarr doivent affronter la vérité. L’histoire a toujours fini par trancher. Dans cette affaire comme dans celle de Maître Sèye, le temps sera le meilleur révélateur. Le peuple mérite mieux que des vérités tronquées. Le moment est venu de crever l’abcès.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Youssouf Diop.
Mis en ligne : 12/07/2025
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