L’ancien président de l’Assemblée nationale, Moustapha Niasse, a récemment fait une apparition remarquée lors d’un séminaire international à Dakar, où il a tenu un discours audacieux sur la dette publique. « N’ayons pas peur de la dette, endettons-nous », a-t-il déclaré, soulignant que l’endettement peut être un levier stratégique s’il finance des projets structurants. Si le propos se veut rassurant, il appelle néanmoins à une grande prudence. Nous estimons que ce discours, bien que séduisant en surface, véhicule un optimisme excessif et potentiellement dangereux pour un pays comme le Sénégal.
Le Sénégal, à l’instar de plusieurs pays africains, fait face à des défis économiques complexes : un chômage élevé, une dette publique en constante augmentation, des inégalités persistantes et une dépendance aux matières premières.
Dans ce contexte, la tentation d’utiliser l’endettement comme solution de relance est grande. Mais il convient de rappeler que le pays affiche déjà un taux d’endettement supérieur à 70 % du PIB, frôlant les seuils jugés préoccupants par plusieurs institutions financières internationales.
L’argument de Moustapha Niasse sur la dette repose sur une comparaison avec les États-Unis, qui fonctionnent avec une dette colossale. Toutefois, cette analogie est trompeuse. Les États-Unis disposent d’une monnaie forte, d’un marché intérieur immense, d’un accès privilégié aux marchés financiers mondiaux, et surtout, d’une gouvernance économique solide. Ce n’est pas le cas du Sénégal, dont l’économie est encore vulnérable, peu industrialisée et dépendante de l’aide extérieure.
Plus inquiétant encore, l’idée selon laquelle les ressources naturelles comme le gaz et le pétrole permettront de rembourser les dettes contractées aujourd’hui relève d’une foi aveugle dans des revenus futurs incertains. Le « syndrome hollandais », qui a piégé plusieurs pays africains dans le passé (Nigeria, Angola, RDC), devrait nous inciter à la retenue. Le boom des matières premières n’a pas toujours profité aux populations, en raison de la corruption, de la mauvaise gouvernance et du manque de transparence dans la gestion des ressources.
Nombreux sont les pays qui se sont lourdement endettés en espérant un avenir radieux grâce à leurs ressources naturelles. Le Ghana, par exemple, après avoir découvert du pétrole, s’est lancé dans une vague d’endettement avant de se retrouver en défaut de paiement et contraint de recourir au FMI en 2022. Le Mozambique, avec ses promesses de revenus gaziers, a sombré dans le scandale des dettes cachées. Ces exemples montrent que les promesses énergétiques ne garantissent ni stabilité économique ni remboursement des dettes.
La vraie question n’est pas de savoir s’il faut s’endetter, mais dans quelles conditions, pour quels objectifs, et surtout avec quelles garanties de bonne gestion. Dans un contexte où la reddition des comptes est encore faible, où les institutions de contrôle peinent à s’imposer, encourager un endettement massif, même pour des projets dits structurants, reste un pari risqué. L’efficacité des investissements publics dépend avant tout de la rigueur de leur exécution, et non de leur simple intention.
Le Sénégal a besoin de vision économique, mais celle-ci doit être ancrée dans la réalité de ses capacités institutionnelles et dans une gestion rigoureuse. Prôner un endettement sans réserve sous prétexte de développement, en pariant sur des ressources naturelles encore peu exploitées et mal encadrées, revient à jouer l’avenir du pays à quitte ou double. Il faut mettre en place une culture de transparence, de rigueur budgétaire et de redevabilité, plutôt que de céder à une logique d’endettement optimiste aux conséquences potentiellement lourdes.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Anonyme.
Mis en ligne : 29/07/2025
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