Les opinions exprimées dans cet article sont celles d’un contributeur externe. NotreContinent.com est une plateforme qui encourage la libre expression, la diversité des opinions et les débats respectueux, conformément à notre charte éditoriale « Sur NotreContinent.com chacun est invité à publier ses idées »
Le samedi 26 juillet 2025, le Bénin a octroyé la nationalité béninoise à trois personnalités afro-descendantes : Ciara Princess Wilson, Gabendy Joseph et David Romuald Smeralda. La cérémonie, présidée par le ministre de la Justice Yvon Detchénou, s’est voulue solennelle, symbolique et marquée par une volonté affichée de rayonnement culturel à l’international. Mais derrière ces apparences honorables, il est permis d’émettre des doutes sur la portée réelle de cette décision. Il ne s’agit pas ici de remettre en question la valeur de ces personnalités, mais de s’interroger sur le sens et la finalité de telles naturalisations.
Depuis quelques années, plusieurs pays africains, dans une dynamique de retour aux racines et de réappropriation identitaire, ont initié des politiques de réintégration symbolique à destination de la diaspora afro-descendante. Le Ghana, en 2019, a par exemple organisé « The Year of Return », visant à encourager les Afro-Américains à renouer avec leurs origines. Le Bénin semble s’inscrire dans cette logique, mais avec des choix et des priorités qui interrogent.
La remise de la nationalité à des célébrités est loin d’être un acte anodin. Elle constitue un geste politique lourd de symboles, mais aussi de paradoxes. Si le geste vise à renforcer les liens culturels entre l’Afrique et sa diaspora, il soulève néanmoins des interrogations quant à sa cohérence et à ses bénéficiaires. Pourquoi ces personnalités précisément ? En quoi leur acquisition de la nationalité contribue-t-elle réellement au développement du pays ou à la cohésion sociale interne ? Il semble ici que la notoriété ait primé sur toute autre considération.
Le geste du Bénin à l’égard des célébrités, consistant à leur accorder aisément la nationalité, peut être perçu comme une tentative de positionnement stratégique sur la scène internationale, mais à quel prix ? Dans un contexte où de nombreux Béninois ordinaires peinent à obtenir leurs documents d’identité, cette initiative suscite un profond malaise. La facilité avec laquelle ces figures médiatiques ont accédé à la citoyenneté contraste fortement avec les lenteurs administratives, la complexité des procédures et les nombreux obstacles rencontrés par les citoyens lambda, y compris ceux issus de la diaspora.
De plus, aucune indication claire n’a été donnée sur l’engagement à long terme de ces personnalités envers le Bénin. Vont-elles investir, résider, contribuer activement à la vie sociale, économique ou culturelle du pays ? Ou s’agit-il simplement d’une alliance superficielle à des fins promotionnelles ? Le flou entretenu laisse penser que cette initiative pourrait surtout viser à améliorer l’image du pays sans retombées concrètes pour la population.
D’autres nations ont adopté une approche plus inclusive et structurée. Au Rwanda, par exemple, le retour de la diaspora s’est accompagné de politiques incitatives claires en matière d’investissement, d’emploi et de participation à la vie nationale. Le Ghana, bien que critiquable sur certains aspects, a su mobiliser des ressources de la diaspora en faveur du tourisme, de l’éducation et de l’entrepreneuriat local. Le Bénin, en revanche, semble se limiter à des gestes symboliques, sans réelle stratégie d’intégration.
Le geste du Bénin à l’égard de ces célébrités afro-descendantes semble davantage dicté par une logique de prestige que par une volonté sincère d’intégration ou de développement national. Ce type d’action, aussi spectaculaire soit-il, ne peut masquer les priorités urgentes auxquelles le pays doit faire face : amélioration de la gouvernance, accès à l’éducation, lutte contre la pauvreté. Il serait plus bénéfique de consacrer autant d’énergie et de visibilité à des réformes internes profondes qu’à des opérations de communication à court terme.
Le Bénin mérite mieux qu’un vernis diplomatique ou culturel. Si l’objectif est réellement de bâtir un pont durable avec la diaspora, cela exige transparence, cohérence et équité. La nationalité ne devrait pas être un outil de marketing, mais un acte de reconnaissance mutuelle fondé sur des engagements réciproques.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Mathilde G.
Mis en ligne : 07/08/2025
—
La plateforme NOTRECONTINENT.COM permet à tous de diffuser gratuitement et librement les informations et opinions provenant des citoyens. Les particuliers, associations, ONG ou professionnels peuvent créer un compte et publier leurs articles Cliquez-ici.




