Le ministre de l’Environnement et de la Transition écologique, Daouda Ngom, a récemment suggéré que la délocalisation des populations vivant sur les zones côtières les plus menacées par l’érosion serait une solution durable face au changement climatique. Si cette proposition peut sembler pragmatique en théorie, elle soulève de nombreuses interrogations quant à sa faisabilité et à ses conséquences sociales, économiques et humaines.
L’érosion côtière au Sénégal est une réalité alarmante. De Saint-Louis à Cabrousse, toutes les côtes du pays sont vulnérables, et les événements récents à Mbao, où des maisons ont été endommagées par la houle, illustrent l’urgence de la situation.
Face à cette menace, l’État a investi dans des projets de protection à Saint-Louis, Rufisque, Saly et Gorée, mais ces aménagements, coûteux et partiellement réalisés, n’atténuent que très modestement le phénomène. Il apparaît donc que la délocalisation est envisagée comme une solution “radicale”, mais facile à annoncer politiquement.
Or, déplacer des milliers de personnes sans plan clair constitue un véritable risque. Où iront ces familles ? Quelles compensations leur seront offertes ? L’État n’a fourni aucune réponse concrète. Sans préparation, ces relogements pourraient donner naissance à de nouveaux bidonvilles et alimenter des conflits fonciers déjà fréquents dans certaines zones urbaines. De plus, la précipitation dans la mise en œuvre d’une telle mesure pourrait aggraver la vulnérabilité des populations plutôt que la réduire.
Le problème va bien au-delà de la question du logement. Les communautés côtières dépendent souvent de la pêche, du tourisme ou d’autres activités économiques liées au littoral. Les déraciner, c’est les priver de leurs moyens de subsistance et les condamner à la précarité. Une famille de pêcheurs relocalisée loin de la mer perd son gagne-pain. Une communauté vivant du tourisme côtier se retrouve isolée de son marché naturel. Le risque d’appauvrissement et de marginalisation sociale est donc très élevé.
D’un point de vue humain, le déplacement forcé peut entraîner des tensions sociales et des traumatismes psychologiques. Les populations déplacées perdent leurs repères, leurs réseaux de solidarité et, souvent, une partie de leur identité culturelle. Il ne s’agit pas seulement d’une question de bâtiments et de terrains : il s’agit de vies et de communautés profondément ancrées dans leur environnement.
Dans d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, les délocalisations forcées ont souvent conduit à des situations de crise. Au Nigeria ou en Côte d’Ivoire, des déplacements mal gérés ont engendré des bidonvilles, des violences, et une marginalisation accrue des populations concernées. À l’inverse, des projets de restauration écologique, comme ceux menés au Bénin ou en Casamance, ont permis de protéger les côtes sans déraciner les habitants, en associant les communautés à la gestion des écosystèmes.
Au lieu de se concentrer uniquement sur la délocalisation, il serait pertinent d’explorer des solutions alternatives et plus durables. La protection écologique par la restauration des dunes et des mangroves, qui servent de barrières naturelles contre l’érosion, peut limiter le risque à long terme. L’aménagement résilient, avec des digues adaptées, des infrastructures de drainage et des techniques de construction respectueuses de l’environnement, constitue également une voie plus pragmatique. Enfin, la sensibilisation et la formation des communautés aux risques et aux bonnes pratiques permettrait de renforcer leur résilience et leur autonomie face au phénomène.
La délocalisation des populations côtières, bien que présentée comme une solution face à l’érosion, apparaît surtout comme une réponse de facilité. Elle risque de créer de nouveaux problèmes sans s’attaquer aux causes profondes du phénomène.
L’État du Sénégal doit adopter une approche plus réfléchie et inclusive, impliquant les communautés locales et privilégiant des solutions écologiques et durables. Déplacer les populations sans plan clair n’est pas seulement irréaliste : c’est dangereux. La préservation du littoral et le respect des droits des citoyens exigent une stratégie plus responsable et concrète.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Arame Sagna.
Mis en ligne : 24/08/2025
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