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Récemment, la mobilisation autour de Halima Gadji, actrice reconnue confrontée à des difficultés de santé mentale, a été particulièrement visible sur les réseaux sociaux. Deborah Mutund, présentatrice de l’émission Chœur de Femmes, a joué un rôle central en appelant à un élan de solidarité impliquant plusieurs personnalités publiques. Des messages de soutien, des hashtags et des publications se sont multipliés sur Instagram, générant une véritable vague d’émotion collective.
Cette visibilité a suscité un certain réconfort et témoigne d’une attention médiatique bienvenue. Cependant, derrière cette apparente mobilisation se cache une réalité bien plus préoccupante : la plupart de ces élans de générosité restent éphémères et limités à des clics ou des partages. La question centrale demeure : cette solidarité virtuelle suffit-elle à transformer concrètement la réalité de la santé mentale, ou n’est-elle qu’une opération de communication destinée à donner bonne conscience sans engagement réel ?
La santé mentale constitue un enjeu majeur de société, pourtant largement négligé. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), près d’un milliard de personnes dans le monde souffrent de troubles mentaux. Dans les pays à faible et moyen revenu, comme le Sénégal, moins de 1 % du budget national de la santé est consacré à la psychiatrie. Cette carence se traduit par des infrastructures insuffisantes, un manque de personnel qualifié et des traitements souvent inaccessibles à ceux qui en ont le plus besoin.
Parallèlement, la stigmatisation et le tabou entourant les maladies mentales exacerbent l’isolement des personnes concernées. Dans ce contexte, les mobilisations sur les réseaux sociaux donnent l’illusion d’un progrès, mais ne répondent pas aux besoins réels : amélioration de l’accès aux soins, renforcement de la formation des professionnels et campagnes de sensibilisation durables.
Les réseaux sociaux possèdent indéniablement un pouvoir d’amplification : ils peuvent susciter l’attention et mobiliser l’opinion publique en quelques heures. Pourtant, cette visibilité est souvent de courte durée. Les hashtags disparaissent rapidement avec le flux incessant des nouvelles tendances, et l’émotion collective s’estompe presque aussi vite qu’elle est apparue.
Prenons l’exemple de Halima Gadji : bien que les messages de solidarité affluent, qu’en est-il des actions concrètes ? Où sont les dons aux associations, les partenariats avec des centres de soins ou les pressions exercées sur les pouvoirs publics pour améliorer les infrastructures médicales ? Dans la majorité des cas, ces initiatives restent anecdotiques ou purement symboliques.
L’écart entre les messages en ligne et l’inaction sur le terrain est frappant. L’attention médiatique est majoritairement dirigée vers les célébrités, au détriment des anonymes confrontés aux mêmes difficultés, mais qui demeurent invisibles. De nombreuses familles luttent seules, sans réseau de soutien et avec très peu de ressources, souvent ignorées par l’opinion publique. Les réseaux sociaux créent ainsi une hiérarchie de la souffrance, où la notoriété détermine la visibilité d’un problème. Cette sélectivité est particulièrement inquiétante dans le domaine de la santé mentale, qui devrait être une préoccupation permanente plutôt qu’une tendance passagère.
Le contraste est également manifeste dans les infrastructures de soins. Au Sénégal, le Centre hospitalier national Fann, l’un des rares établissements offrant des soins psychiatriques, fait face à un déficit chronique de ressources : lits insuffisants, personnel sous-payé et médicaments souvent en rupture. Pourtant, peu de célébrités ou d’influenceurs s’engagent véritablement pour soutenir ces structures, financer des programmes ou militer pour des réformes durables. Cette superficialité n’est pas propre au Sénégal.
À l’échelle mondiale, de nombreuses mobilisations virales pour des causes « à la mode », qu’il s’agisse de santé mentale, de violences sexuelles ou de crises humanitaires, suivent un schéma similaire : un pic d’attention médiatique suivi d’un retour au statu quo. Le mouvement #MeToo, aux États-Unis, a suscité une indignation massive contre les violences sexuelles, mais les changements structurels restent limités. En France, après les attentats de 2015, la solidarité affichée n’a pas empêché la détérioration de la santé psychologique de nombreuses victimes et de leurs familles. Partout, le même scénario se répète : l’émotion s’éteint, mais les problèmes perdurent.
Il faut donc comprendre que la solidarité virtuelle, bien qu’elle attire l’attention sur une cause, ne remplace pas un engagement concret. Un simple message sur Instagram ne finance pas de thérapie, ne forme pas de psychologue et n’améliore pas l’accès aux soins. Pire encore, cette visibilité superficielle peut donner l’illusion que le problème est résolu.
Les personnalités publiques savent qu’afficher leur soutien renforce leur image, mais combien s’investissent réellement sur le long terme ? Très peu. La santé mentale, comme d’autres causes, devient alors un sujet « tendance » : on en parle uniquement lorsqu’une célébrité est concernée, mais on l’oublie aussitôt que l’attention se déplace.
La solution est claire : la solidarité doit dépasser le virtuel. Il faut financer des associations, militer pour des réformes, soutenir durablement les structures de soins et briser les tabous quotidiennement. La santé mentale mérite mieux que des hashtags éphémères. Elle exige un engagement réel, constant et concret.
Les citoyens doivent refuser l’illusion de l’action et exiger des changements tangibles, tandis que les personnalités publiques doivent assumer un rôle actif et durable. La question n’est pas seulement de savoir si nous sommes solidaires, mais comment nous le sommes. Et pour l’instant, la réponse est manifestement insuffisante.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Fatima Ba.
Mis en ligne : 01/09/2025
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