Solutions de dernière minute : L’État n’apprend jamais de ses échecs - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Environnement | Par Eva | Publié le 03/09/2025 08:09:00

Solutions de dernière minute : L’État n’apprend jamais de ses échecs

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Le président Bassirou Diomaye Faye s’est rendu à Tivaouane pour rassurer les populations sur l’engagement de l’État à prévenir les inondations à l’approche du Gamou. « L’assainissement de la ville fait l’objet de travaux soutenus », a-t-il déclaré, reprenant un discours entendu chaque année à la même période. Pourtant, derrière les annonces médiatisées et les visites protocolaires, la réalité est tout autre : les inondations restent un fléau récurrent, symptôme d’un échec structurel et d’une gestion défaillante.

Les inondations à Tivaouane, comme dans de nombreuses villes du Sénégal, ne datent pas d’hier. Chaque hivernage, les mêmes scènes se répètent : rues transformées en torrents, maisons inondées, populations sinistrées. En 2024, les pertes économiques liées aux inondations ont été estimées à plus de 40 milliards de francs CFA, affectant routes, écoles, centres de santé et habitations. Pourtant, malgré les milliards engloutis et les plans d’urgence annoncés, rien ne change. Les causes sont connues : urbanisation anarchique, destruction des zones humides, insuffisance des infrastructures d’assainissement, et surtout, une corruption endémique dans la gestion des marchés publics.

L’État sénégalais, plutôt que de s’attaquer aux racines du mal, se contente de rustines : pompages d’urgence, distributions de kits d’aide, et discours rassurants. Mais ces mesures palliatives ne suffisent plus. Les populations, lassées, réclament une refonte complète de la stratégie nationale d’assainissement, une demande relayée par des journalistes et des experts.

Lors de sa visite, Diomaye Faye a réaffirmé « l’engagement ferme de l’État » pour l’assainissement. Pourtant, les rapports de la Cour des comptes et les enquêtes journalistiques révèlent une tout autre réalité : des marchés publics truqués, des surfacturations, et une absence totale de responsabilité. L’Office national de l’assainissement du Sénégal (ONAS) est au cœur de plusieurs scandales, avec des accusations de mafia et de détournements de fonds. En 2024, le ministre de l’Hydraulique et de l’Assainissement a lui-même été auditionné dans le cadre d’une enquête sur des marchés suspects. Comment croire, dans ces conditions, aux « travaux soutenus » promis par le président ?

Les inondations ne sont pas une fatalité. Elles sont le résultat d’un manque de vision à long terme, d’une planification urbaine défaillante, et d’un clientélisme qui privilégie les intérêts privés aux dépens de l’intérêt général. Les zones inondables continuent d’être construites, les caniveaux ne sont pas entretenus, et les projets d’infrastructures durables peinent à voir le jour, faute de volonté politique et de transparence.

L’étalement urbain non maîtrisé et la destruction des zones humides aggravent les risques d’inondation. À Dakar comme à Tivaouane, les sols imperméabilisés et l’absence de bassins de rétention transforment chaque pluie en catastrophe. Pourtant, des villes comme N’Djamena (Tchad) ou Tokyo (Japon) ont su mettre en place des systèmes de prévention efficaces : curage régulier des canaux, construction de digues, et restauration des zones naturelles d’expansion des crues. Pourquoi le Sénégal, malgré les financements internationaux (Banque mondiale, Agence française de développement), n’arrive-t-il pas à faire de même ?

Les scandales à répétition à l’ONAS montrent que les fonds alloués à l’assainissement sont souvent détournés ou mal utilisés. En 2024, une plainte a même été déposée contre X pour gestion douteuse des ressources publiques dans ce secteur. Tant que la corruption ne sera pas éradiquée, les projets d’assainissement resteront des coquilles vides.

Aucun responsable n’a jamais été condamné pour l’échec des politiques d’assainissement. Les audits se multiplient, les rapports s’accumulent, mais les coupables restent intouchables. Cette impunité encourage la répétition des mêmes erreurs, année après année.

Des pays comme le Tchad ou le Japon ont montré qu’avec une volonté politique forte, il est possible de réduire significativement les risques d’inondation. N’Djamena, grâce à un plan d’urgence et à des investissements ciblés, a limité les dégâts en 2024. Au Sénégal, en revanche, les plans d’action restent lettre morte, faute de suivi et de coordination.

Les visites présidentielles et les discours rassurants ne suffiront pas à protéger Tivaouane et les autres villes sénégalaises des inondations. Il faut:

Sanctionner les responsables de la gabegie et de la corruption dans la gestion des fonds publics. Interdire toute construction en zone inondable et restaurer les écosystèmes naturels de régulation des eaux. Investir dans des infrastructures durables, avec une gestion transparente et participative. Mettre fin à l’impunité et rendre des comptes aux populations.

Le Gamou est un événement sacré, mais il ne doit pas servir d’alibi pour masquer l’inaction de l’État. Les Sénégalais méritent mieux que des promesses en l’air et des solutions de dernière minute. Il faut que les dirigeants passent des mots aux actes, avant que les prochaines pluies ne emportent, une fois de plus, vies et biens.

La question reste posée : jusqu’à quand le Sénégal continuera-t-il à payer le prix de l’incompétence et de la corruption ?

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Djiby Seck.
Mis en ligne : 03/09/2025

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