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Lors du Forum africain sur les systèmes alimentaires 2025, le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a rappelé une évidence trop souvent ignorée : « Pour se nourrir, l’Afrique devra compter d’abord sur elle-même. » Son appel à une « dynamique de solutions endogènes » et à la promotion du commerce intra-africain, notamment via la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), résonne comme un impératif stratégique. À l’heure où le continent importe massivement des produits agricoles qu’il pourrait produire, la ZLECAf apparaît comme un levier essentiel pour réduire cette dépendance et bâtir une souveraineté alimentaire durable.
L’Afrique ne commerce qu’à 15 % avec elle-même, contre 60 % pour l’Europe et 40 % pour l’Asie. Pourtant, le continent dispose de 60 % des terres arables inexploitées au monde et d’une demande croissante en produits alimentaires. En 2024, les échanges intra-africains ont atteint 220 milliards de dollars, soit une hausse de 12,4 % par rapport à 2023, grâce à la ZLECAf. Malgré cette progression, l’Afrique reste le continent le plus dépendant des importations alimentaires, avec une facture prévue à 110 milliards de dollars d’ici 2025 contre 35 milliards en 2015. Cette situation est d’autant plus paradoxale que le continent pourrait, selon la Banque africaine de développement, devenir un exportateur net de produits agricoles d’ici 2025.
Les crises mondiales récentes (pandémie, guerre en Ukraine) ont révélé la vulnérabilité de l’Afrique face aux chocs externes. En 2024, près de 295 millions de personnes sur le continent souffraient d’insécurité alimentaire, un chiffre en hausse constante. La ZLECAf, en créant un marché unifié de 1,3 milliard de consommateurs, offre une réponse structurelle : réduire les barrières douanières, faciliter les échanges, et stimuler la production locale.
Plusieurs pays tirent déjà parti de la ZLECAf. La Côte d’Ivoire, par exemple, réalise 23 % de ses échanges avec d’autres pays africains, notamment le Mali, le Burkina Faso et le Ghana. Au Kenya, la start-up agroalimentaire MamaFresh a doublé sa production pour exporter ses jus vers l’Ouganda et le Rwanda, illustrant comment les PME peuvent conquérir de nouveaux marchés. Le Maroc, le Nigéria et l’Afrique du Sud émergent comme des moteurs de cette dynamique, avec des exportations de céréales, de produits transformés et d’engrais en hausse.
Les politiques publiques jouent un rôle clé. La suppression progressive des droits de douane sur 90 % des marchandises, la simplification des paiements transfrontaliers (via le Système Panafricain de Paiement et de Règlement), et les investissements dans les infrastructures routières et portuaires sont autant de leviers pour accélérer les échanges. L’Algérie, qui accueille la Foire commerciale intra-africaine (IATF) en septembre 2025, incarne cette volonté d’intégration, en misant sur la création de chaînes de valeur régionales.
L’Afrique importe chaque année des produits qu’elle pourrait cultiver ou transformer localement. Le riz, le blé et le lait en poudre figurent parmi les premiers postes de dépenses, alors que des pays comme le Sénégal, le Nigeria ou l’Éthiopie disposent de conditions climatiques et de terres propices à leur production.
La guerre en Ukraine a provoqué une flambée des prix des céréales et des engrais, aggravant l’insécurité alimentaire. La ZLECAf permet de mutualiser les ressources et de stabiliser l’approvisionnement. En Afrique de l’Est, des initiatives régionales montrent que le commerce intra-africain peut atténuer les pénuries et renforcer la sécurité alimentaire.
Transformer localement les produits agricoles (café, cacao, noix de cajou) plutôt que de les exporter bruts pourrait générer des centaines de milliards de dollars de revenus supplémentaires et des millions d’emplois, notamment pour les jeunes et les femmes.
Le pays, via son Agenda national de transformation, investit dans l’agrobusiness et les chaînes de valeur, prouvant que la souveraineté alimentaire passe par une agriculture moderne et intégrée.
L’Union européenne et l’ASEAN ont bâti leur prospérité sur l’intégration régionale. L’UE, par exemple, a réduit ses dépendances externes en misant sur des politiques agricoles communes et des normes partagées. L’Afrique, avec la ZLECAf, peut s’inspirer de ces modèles tout en adaptant ses solutions à ses réalités : des coopératives locales aux grands projets d’infrastructures, en passant par des mécanismes de financement innovants pour les PME.
La ZLECAf n’est pas une solution miracle, mais un outil indispensable pour transformer l’agriculture africaine. Comme l’a souligné Bassirou Diomaye Faye, « unissons nos volontés, mobilisons nos ressources ». Le commerce intra-africain n’est pas seulement une question de croissance : c’est un acte de souveraineté. En renforçant les échanges entre pays, en investissant dans les infrastructures et en soutenant le secteur privé, l’Afrique peut écrire une nouvelle page de son histoire celle d’un continent qui se nourrit par lui-même et pour lui-même.
Et vous, comment imaginez-vous l’Afrique de demain : toujours dépendante, ou maître de son destin alimentaire ?
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Amadou Ba.
Mis en ligne : 07/09/2025
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