Inondations au Sénégal : 2035, l’échéance d’un échec annoncé - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Environnement | Par Eva | Publié le 09/09/2025 11:09:45

Inondations au Sénégal : 2035, l’échéance d’un échec annoncé

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En Conseil des ministres, le 3 septembre 2025, le Président Diomaye Faye a réaffirmé la priorité accordée à la prévention et à la gestion des inondations, annonçant la finalisation d’un Programme national à l’horizon 2035. Si l’intention est louable, elle sonne comme une promesse de plus dans une longue série de plans et de discours qui, depuis des décennies, peinent à se concrétiser sur le terrain. Face à l’urgence humanitaire que vivent chaque année des milliers de Sénégalais, une question s’impose : pourquoi attendre 2035 pour agir ? Les populations inondées n’ont pas besoin de promesses à long terme, mais de solutions immédiates, concrètes et inclusives.

Chaque hivernage, les mêmes scènes se répètent : des quartiers entiers de Dakar, Touba, Kaolack ou Saint-Louis sous les eaux, des familles déplacées, des récoltes détruites, des écoles et hôpitaux inondés. En 2025, la situation est plus dramatique que jamais. À Touba, des habitants ont dû quitter leur domicile, faute de solutions durables. À Khar Yalla, près de Saint-Louis, des familles déplacées depuis 2015 vivent toujours dans des conditions précaires, abandonnées par les autorités. Les inondations ne sont plus une exception, mais une réalité structurelle, aggravée par le changement climatique et une urbanisation anarchique.

Depuis 2012, l’État a investi plus de 717 milliards de FCFA dans la lutte contre les inondations, sans résultats probants. Les bilans officiels se succèdent, les audits s’accumulent, mais les mêmes zones restent vulnérables, et les mêmes populations paient le prix fort. Le nouveau programme annoncé pour 2035 risque de reproduire les erreurs du passé : des délais trop longs, une absence de consultation réelle des communautés locales, et une gestion trop souvent centralisée et opaque.

Le Président Faye a insisté sur la nécessité de tirer les leçons du programme décennal 2012-2022. Pourtant, force est de constater que ces leçons n’ont pas été intégrées. Les populations et les experts locaux sont rarement associés à l’élaboration des solutions, alors qu’ils sont les premiers concernés. Les associations de quartiers, comme la Fédération Sénégalaise des Habitants (FSH), ont démontré leur capacité à mobiliser des fonds et à organiser des réponses locales, mais leurs initiatives restent marginalisées. Les bailleurs de fonds internationaux, quant à eux, financent des projets souvent déconnectés des réalités locales, avec des résultats mitigés.

Le risque est grand que ce nouveau programme soit avant tout conçu pour rassurer les partenaires financiers plutôt que pour répondre aux besoins immédiats des Sénégalais. Les populations, elles, continuent de s’organiser entre elles, faute de soutien public efficace.

Les inondations détruisent des vies, des habitations et des moyens de subsistance. À Ballou, dans l’est du Sénégal, des centaines d’habitants dorment en plein air, sans eau potable ni nourriture, après des inondations historiques. À Dakar, des quartiers entiers sont régulièrement submergés, et les hôpitaux eux-mêmes ne sont pas épargnés. Comment justifier d’attendre 2035 pour agir, alors que des solutions existent dès aujourd’hui ?

Les communautés locales et les experts de terrain sont les mieux placés pour identifier les solutions adaptées. Pourtant, leur voix est rarement entendue. Les projets imposés d’en haut, sans concertation, échouent souvent à résoudre les problèmes de fond. À Khar Yalla, par exemple, les familles déplacées n’ont toujours pas été relogées dans des conditions dignes, malgré les promesses répétées.

D’autres pays africains, comme le Bénin ou le Tchad, ont mis en place des programmes d’assainissement et de résilience urbaine avec des résultats tangibles. Au Sénégal, des initiatives locales, portées par des ONG et des associations, montrent qu’il est possible d’agir vite et bien, à condition de leur donner les moyens. Pourquoi ne pas généraliser ces approches, plutôt que de miser sur un plan à long terme dont les bénéfices ne seront visibles que dans dix ans ?

L’État sénégalais ne peut se contenter de gérer l’urgence chaque année. Il doit assumer sa responsabilité dans la planification urbaine, l’entretien des infrastructures et la transparence dans l’utilisation des fonds. Les milliards investis depuis 2012 auraient dû permettre de résoudre durablement le problème. Le fait qu’on en soit encore à annoncer un nouveau plan en 2025 est un aveu d’échec.

Le Programme national de Prévention et de Gestion des inondations à l’horizon 2035 est une nouvelle promesse, mais les Sénégalais ont besoin d’actes. Plutôt que de reporter les solutions à une échéance lointaine, il est urgent de :

Associer les communautés locales à la conception et à la mise en œuvre des projets. Renforcer les infrastructures existantes et investir dans des solutions durables, comme le drainage urbain et les systèmes d’alerte précoce. Rendre des comptes sur l’utilisation des fonds publics et garantir la transparence. Agir maintenant, car chaque année de retard condamne des milliers de familles à vivre dans la précarité et la peur.

Les inondations ne sont pas une fatalité. Elles sont le résultat d’un manque de volonté politique et d’une gestion défaillante. Il faut passer des discours aux actes, pour que les populations ne soient plus les victimes éternelles de promesses non tenues.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Cheikh Toure.
Mis en ligne : 09/09/2025

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