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Halima Gadji, actrice emblématique de la série « Maîtresse d’un homme marié », incarne un paradoxe déchirant : celle d’une femme admirée sur les écrans, mais dont la détresse psychologique a été exposée, moquée et jugée par une société qui préfère le silence à l’empathie. Son parcours, marqué par une enfance douloureuse, des tentatives de suicide et des crises dépressives publiques, révèle une vérité accablante : au Sénégal, la souffrance mentale reste un tabou, étouffé par des traditions comme le mougne (supporter en silence) ou la maslakha (minimiser pour éviter les conflits). Ces normes sociales, présentées comme des vertus, ne font qu’aggraver l’isolement des individus et transformer leur vulnérabilité en objet de spectacle.
Au Sénégal, la santé mentale reste un tabou tenace. Malgré les efforts récents du gouvernement pour réformer un secteur en souffrance, les réalités sont accablantes : moins de 40 psychiatres pour 18 millions d’habitants, des structures de soin vétustes et concentrées à Dakar, et une stigmatisation sociale qui pousse les personnes en détresse à se taire ou à recourir à des solutions traditionnelles, souvent inefficaces. Le cas de Halima Gadji, dont les crises dépressives ont été exposées publiquement, illustre cette indifférence collective. Son live Instagram, où elle a exprimé sa détresse, a suscité plus de curiosité que de compassion, révélant une société promptes à juger plutôt qu’à soutenir.
Cette indifférence n’est pas anodine. Elle s’enracine dans une culture qui privilégie le silence et la résilience apparente, au mépris de la vulnérabilité réelle. Le mougne et la maslakha, bien que présentés comme des vertus, ne font qu’aggraver l’isolement des individus. En valorisant le fait de « supporter » plutôt que de parler, la société sénégalaise normalise la souffrance et empêche toute véritable solidarité. Les conséquences sont dramatiques : dépression, idées suicidaires, et une solitude émotionnelle qui ronge les individus de l’intérieur.
Halima Gadji incarne cette contradiction entre l’image publique et la réalité intime. Son enfance marquée par le surpoids, le bégaiement et les moqueries, suivie d’une tentative de suicide à 11 ans, aurait dû alerter sur la nécessité d’un accompagnement psychologique. Pourtant, même en tant qu’adulte et célébrité, elle a dû affronter seule ses démons, sous le regard impitoyable d’un public prompt à transformer sa détresse en spectacle. Comme le souligne le psychologue Khalifa Mouhamed Traoré, « la dépression devient un objet de jugements », ce qui complique encore le parcours des personnes concernées.
Son frère, Kader Gadji, a tenté de briser ce silence avec son court-métrage « Moi contre moi », mais ces initiatives restent marginales face à l’ampleur du problème. Le cas de Halima Gadji n’est pas isolé : il reflète une crise plus large, où la santé mentale est reléguée au second plan, voire niée. Les réactions à ses vidéos en ligne en sont la preuve : entre moqueries, accusations de manipulation et minimisation de sa souffrance, la société sénégalaise a montré son incapacité à faire preuve d’empathie.
Cette attitude collective a des racines profondes. La peur du jugement, la honte associée aux troubles psychologiques, et la méconnaissance des mécanismes de la dépression alimentent un climat de méfiance et de médisance. Plutôt que de s’entraider, les individus se surveillent, se critiquent, et se concurrencent, transformant les relations humaines en un champ de bataille où la vulnérabilité est perçue comme une faiblesse.
En valorisant le silence et la résilience à tout prix, la société sénégalaise enseigne à ses membres que la souffrance doit être cachée. Cette attitude empêche les personnes en détresse de chercher de l’aide et aggrave leur isolement. Comme l’a souligné Nathalie Dia, « ce sont les femmes les plus fortes qui souffrent le plus ». Pourtant, cette force apparente n’est souvent qu’un masque, derrière lequel se cache une détresse profonde.
Le manque de psychiatres et de centres de soin spécialisés, surtout en dehors de Dakar, rend l’accès aux soins quasi impossible pour une grande partie de la population. Cette carence institutionnelle est aggravée par une culture qui stigmatise les troubles mentaux, poussant les individus à recourir à des solutions informelles, parfois dangereuses.
La santé mentale ne peut être améliorée sans un changement de mentalité. Tant que la société continuera à minimiser la souffrance psychologique, à juger ceux qui osent en parler, et à valoriser les apparences plutôt que la sincérité, la crise persistera. Le cas de Halima Gadji doit servir de déclic : il est temps de reconnaître que la vulnérabilité n’est pas une honte, mais une partie intégrante de l’expérience humaine.
Dans d’autres pays africains, comme le Maroc ou la Côte d’Ivoire, des réformes ont été engagées pour améliorer la prise en charge de la santé mentale. Ces exemples montrent qu’un changement est possible, à condition que les pouvoirs publics et la société civile s’engagent pleinement.
Le combat de Halima Gadji est celui de milliers de Sénégalais qui souffrent en silence. Pour briser ce cercle vicieux, il est urgent d’encourager la sincérité, la bienveillance et l’entraide. Cela passe par une éducation à la santé mentale, une meilleure formation des professionnels de santé, et une prise de conscience collective de l’importance de la solidarité.
La société sénégalaise doit cesser de normaliser la souffrance et redonner de la valeur à la santé mentale. Cela implique de rejeter l’hypocrisie sociale, de promouvoir des espaces de parole sécurisés, et de soutenir ceux qui, comme Halima Gadji, osent briser le silence. Seule une approche collective, fondée sur l’empathie et le respect, permettra de transformer les relations humaines en terrains de confiance et de soutien mutuel.
En fin de compte, la santé mentale n’est pas une affaire individuelle, mais une responsabilité collective. Il faut agir, avant que d’autres vies ne soient brisées par l’indifférence et le déni.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Mamadou Diouf.
Mis en ligne : 11/09/2025
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