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La tragique disparition de Charlie Kirk, survenue lors d’une conférence à l’université de l’Utah le 10 septembre 2025, a choqué la nation. Présenté comme un « martyr de la vérité » par Donald Trump et le Parti républicain, Kirk est rapidement devenu un symbole de la lutte contre la « gauche radicale ». Cependant, cette glorification masque une réalité bien plus complexe et inquiétante.
À seulement 18 ans, Charlie Kirk cofondait Turning Point USA (TPUSA), une organisation visant à promouvoir le conservatisme auprès des jeunes américains. Grâce à ses millions d’abonnés sur les réseaux sociaux, il est devenu une figure influente de la droite américaine.
Cependant, ses méthodes ont souvent été controversées. TPUSA a été accusée de harceler des étudiants et des professeurs progressistes, notamment à travers le « Professor Watchlist », un site répertoriant ceux qu’ils considéraient comme des « professeurs radicaux ». De plus, des militants de TPUSA ont participé à l’assaut du Capitole en janvier 2021, un événement que Kirk a ensuite tenté de minimiser.
La réaction de Donald Trump à la mort de Kirk est révélatrice. Sur Truth Social, il l’a qualifié de « légendaire » et a ordonné que les drapeaux soient mis en berne en son honneur. Pourtant, ce même Trump a, à plusieurs reprises, encouragé la violence politique. Lors du débat présidentiel de 2020, il a déclaré aux Proud Boys, un groupe d’extrême droite, de « stand back and stand by » (« restez en retrait et soyez prêts »), une phrase qui a été interprétée comme un soutien tacite à ce groupe. Cette déclaration a été largement critiquée, mais n’a pas empêché Trump de continuer à utiliser une rhétorique incendiaire.
L’opportunisme politique est flagrant. Les drapeaux en berne pour Kirk contrastent avec le silence assourdissant de la droite américaine face à d’autres tragédies. Où étaient ces hommages nationaux pour les victimes de fusillades de masse, souvent causées par des suprémacistes blancs radicalisés par des discours similaires à ceux de Kirk ? Où était cette indignation lorsque des manifestants de Black Lives Matter étaient réprimés dans la violence ? La réponse est simple : pour Trump et ses alliés, certaines vies comptent plus que d’autres. Kirk, parce qu’il servait leur cause, mérite une commémoration solennelle. Les autres, les Noirs tués par la police, les enfants victimes des armes à feu, les militants antiracistes, sont relégués au rang de dommage collatéral.
Charlie Kirk n’était pas un simple commentateur : il était un stratège de la polarisation, utilisant les réseaux sociaux pour radicaliser une génération de jeunes conservateurs. Ses discours, souvent teintés de complotisme, ont contribué à créer un climat où l’adversaire politique n’est plus un opposant, mais un ennemi à abattre. Sous couvert de défendre la « liberté d’expression », Kirk a diffusé des théories infondées, comme celle des « tireurs transgenres » ou des « élections volées ». Ces mensonges ne sont pas anodins : ils ont des conséquences réelles. En 2021, des partisans de Trump, convaincus que l’élection leur avait été « volée », ont envahi le Capitole. Kirk, lui, avait appelé à « se battre jusqu’au bout ». Peut-on vraiment pleurer un homme qui a passé sa vie à semer la discorde, puis s’étonner lorsque la récolte est amère ?
Cette stratégie n’est pas nouvelle. Dans les années 1930, les nazis transformaient leurs martyrs en symboles pour mobiliser les masses. Plus près de nous, des figures comme Steve Bannon ou Alex Jones ont utilisé les mêmes recettes : victimisation, diabolisation de l’adversaire, et appel à la « résistance ». Aux États-Unis, le Parti républicain a fait de l’obstruction et de la provocation son fond de commerce. En Europe, des mouvements comme le Rassemblement National en France ou l’AfD en Allemagne reprennent les mêmes méthodes, avec les mêmes risques pour la cohésion sociale.
La différence, aujourd’hui, c’est l’ampleur prise par les réseaux sociaux. Kirk l’avait compris : la haine se diffuse plus vite que la raison. Et ses héritiers, de Trump à ses successeurs, continuent sur cette voie. Mais à quel prix ? Une société fracturée, où le dialogue est impossible, et où chaque désaccord se transforme en conflit existentiel.
La mort de Charlie Kirk est une tragédie. Mais en faire un martyr revient à valider tout ce qu’il a représenté de pire : la désinformation, la polarisation, et le mépris pour les règles du débat démocratique. Plutôt que de pleurer un agitateur, il est temps de rejeter la culture de la violence politique qu’il a contribué à installer.
Aux États-Unis comme ailleurs, les démocraties ne survivront que si elles refusent de tomber dans le piège de la radicalisation. Cela passe par un retour à la raison, au respect des faits, et à la reconnaissance que l’adversaire politique n’est pas un ennemi, mais un partenaire nécessaire dans la construction d’une société commune. Les hommages rendus à Kirk ne sont pas seulement hypocrites, ils sont dangereux. Ils perpétuent un cycle où chaque camp se radicalise un peu plus, jusqu’à ce que le dialogue devienne impossible.
Il est temps de dire stop. Stop à l’instrumentalisation des tragédies. Stop à la glorification de ceux qui ont passé leur vie à diviser. Et stop à cette Amérique où la politique se fait à coups de tweets haineux et de théories du complot. La démocratie ne se défend pas avec des martyrs auto-proclamés, mais avec des citoyens responsables. À nous de choisir quel héritage nous voulons laisser aux générations futures : celui de la haine, ou celui de l’espoir.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Demba Sall.
Mis en ligne : 15/09/2025
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