« Si le suicide avait été légal, je l’aurais fait » : Fallou Fall libre mais détruit - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - People | Par Eva | Publié le 20/09/2025 08:09:30

« Si le suicide avait été légal, je l’aurais fait » : Fallou Fall libre mais détruit

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Fallou Fall, acquitté après cinq ans de prison pour des accusations de viol, a raconté son « calvaire » lors d’une conférence de presse à Yeumbeul. Cinq ans de vie brisée, d’humiliation, de désespoir, pour rien. Son histoire n’est pas un cas isolé, mais le symptôme d’un système judiciaire sénégalais à l’agonie, où la présomption d’innocence est un leurre, où les règlements de comptes familiaux se transforment en drames judiciaires, et où la prison devient une machine à broyer des innocents.

Son témoignage doit nous révolter : il est temps de crier haut et fort que notre justice est malade, et que notre société, minée par la jalousie, la compétition familiale et l’impunité, paie le prix fort de ses dysfonctionnements.

Fallou Fall a été accusé par sa propre tante en 2019. Après une première plainte « réglée » en famille, les mêmes accusations resurgissent en 2020. Les policiers, au lieu d’enquêter sérieusement, se contentent d’entendre la jeune fille et de conclure, naïvement ou cyniquement, que « les enfants ne mentent pas ». Résultat : garde à vue, placement en détention, et cette phrase glaçante du commissaire : « C’est le siwak qui t’a trahi. » Comme si un bâtonnet de nettoyage des dents pouvait servir de preuve ! Pendant ce temps, Fallou Fall, comme des centaines d’autres, croupissait en prison, dans des conditions inhumaines, alors que la surpopulation carcérale au Sénégal atteint des niveaux record : plus de 14 000 détenus pour 4 924 places, avec 6 795 personnes en détention provisoire souvent pendant des années, sans jugement.

Le cas de Fallou Fall révèle trois failles majeures :
Au Sénégal, la détention provisoire est devenue la norme, pas l’exception. Les délais interminables, les reports de procès, les avocats commis d’office non payés tout concourt à transformer l’attente en punition. Combien de Fallou Fall attendent encore leur procès, abandonnés par une justice lente et inefficace ?

Les conflits familiaux, les jalousies, les rivalités se règlent désormais devant les tribunaux, au mépris de la vérité. Les fausses accusations de viol, bien que rares, existent et détruisent des vies. En France, l’affaire d’Outreau a montré comment des vies peuvent être brisées par des dénonciations infondées, souvent portées par des proches. Au Sénégal, le phénomène est tout aussi réel, mais moins documenté et tout aussi dévastateur.

Les conditions de détention sont dignes d’un autre âge : surpopulation, absence de suivi psychologique, violences. La Rapporteuse spéciale de l’ONU a qualifié les prisons sénégalaises de « poudrière », où les droits humains sont bafoués. Fallou Fall a confié : « Si le suicide avait été légal, je l’aurais fait. » Cette phrase doit hanter ceux qui laissent faire.

Des erreurs judiciaires évitables : En France, des affaires comme celle d’Outreau ou de Farid El Haïry ont conduit à des réformes. Au Sénégal, rien ne bouge. Pourtant, les acquittements après de longues détentions devraient sonner l’alarme.

Personne ne nie la gravité du viol. Mais une accusation de viol doit être traitée avec rigueur, pas avec précipitation ou partialité. La loi criminalisant le viol, adoptée en 1999 et renforcée depuis, est une avancée mais elle ne doit pas servir de prétexte pour condamner sans preuve.

Trop souvent, les affaires de viol au Sénégal sont des affaires familiales, où la parole de l’enfant ou de la victime est sacralisée, sans vérification. Or, comme le montrent des études, les fausses accusations, bien que minoritaires, existent et ont des conséquences dramatiques.

Fallou Fall est libre, mais que reste-t-il de sa vie ? La justice sénégalaise doit urgemment se réformer : limiter la détention provisoire, accélérer les procédures, former les enquêteurs, et surtout, sanctionner ceux qui manipulent la justice pour régler des comptes. Le viol est un crime odieux, mais la justice doit protéger les innocents autant que les victimes. Sinon, c’est toute la société qui paiera le prix de son silence.

Notre société mérite mieux que des Fallou Fall sacrifiés sur l’autel de l’incompétence et de la vengeance. La question n’est pas de banaliser le viol, mais de garantir une justice digne de ce nom. Combien de vies faudra-t-il encore briser avant que les choses changent ?

Et vous, que proposez-vous pour éviter que d’autres innocents ne subissent le même calvaire ?

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Jupiter Ndiaye.
Mis en ligne : 20/09/2025

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