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Un témoignage glaçant circule ces jours-ci : celui de Tapha, 37 ans, dont le père, pilier de la famille, a été lentement détruit par son propre frère, Doudou. Un sourire en coin lors de l’enterrement, une prospérité soudaine après la mort de l’aîné, des malédictions et des pactes occultes évoqués par un marabout… Ce récit n’est pas un fait divers isolé, mais le symptôme d’une gangrène qui ronge nos sociétés africaines, et particulièrement le Sénégal.
Derrière les sourires de façade et les serments de solidarité, se cache souvent une jalousie si viscérale qu’elle pousse un frère à souhaiter la mort de son aîné, un oncle à sacrifier son neveu, une tante à maudire sa nièce. Aujourd’hui, je prends la plume pour hurler ma colère : comment en est-on arrivés là ? Comment la famille, ce sanctuaire censé protéger, est-elle devenue le théâtre des pires trahisons ?
Au Sénégal, la famille est sacrée. On vante sa solidarité, sa résistance aux crises, son rôle de rempart contre la précarité. Pourtant, les études sociologiques récentes révèlent une tout autre réalité : la famille est aussi le lieu où se déchaînent les pires passions, où la jalousie, l’envie et la quête de pouvoir transforment les liens du sang en armes de destruction massive. Selon les travaux de Sandra Fancello, la sorcellerie en Afrique contemporaine est souvent « nourrie par la remise en cause des anciennes hiérarchies basées sur la parenté, l’âge ou les savoirs, face au creusement des inégalités ». Autrement dit, plus les écarts de réussite se creusent, plus les suspicions et les malédictions prolifèrent. Le frère qui réussit devient une cible, l’aîné qui prospère, un obstacle à éliminer.
Le cas de Tapha est édifiant. Son oncle Doudou, toujours souriant, toujours présent, incarnait à merveille le parasite familial : sans travail fixe, vivant des miettes des autres, mais obsédé par la chute de celui qui brillait. Quand le père de Tapha tombe malade, Doudou est là. Quand il rechute, Doudou est passé. Quand il meurt, Doudou sourit. Et quand la famille s’effondre, Doudou prospère. Ce scénario, des milliers de Sénégalais le connaissent. Les panels organisés par le Réseau des journalistes pour l’information religieuse (REJIR) le confirment : « Fétichisme, sorcellerie et sacrifices humains » sont monnayés comme des outils de promotion sociale, surtout dans les milieux où l’État de droit est une coquille vide. On ne compte plus les familles déchirées par des accusations de sorcellerie, des héritages empoisonnés, des enfants désignés comme boucs émissaires pour expliquer un échec ou justifier une spoliation.
Contrairement à l’image d’Épinal, la famille africaine n’est pas toujours un havre de paix. Les enquêtes menées à Dakar montrent que les solidarités traditionnelles se recomposent sous la pression de la précarité et de l’individualisme. Quand les ressources se raréfient, la suspicion remplace la confiance. Un enfant turbulent, une femme indépendante, un frère trop brillant : tous deviennent des sorciers potentiels, des obstacles à écarter.
Accuser un proche de sorcellerie, c’est une manière détournée d’avouer son incapacité à réussir par soi-même. Au Ghana comme au Sénégal, des centaines de personnes sont jetées à la rue, battues, voire tuées sur la base d’accusations infondées. L’UNICEF et Amnesty International alertent depuis des années sur ce fléau, mais les États ferment les yeux, préférant laisser les marabouts et les pasteurs gérer ces « affaires familiales ».
Que devient Doudou, une fois son forfait accompli ? Rien. Ou presque. Comme tant d’autres, il finira peut-être par décliner, rongé par sa propre malédiction. Mais combien de Doudou s’en sortent, impunis, respectés, tandis que leurs victimes pourrissent sous terre ? La justice sénégalaise, tiraillée entre droit coutumier et droit positif, peine à protéger les plus faibles. Les débats sur le code de la famille le montrent : entre tradition et modernité, c’est souvent l’arbitraire qui l’emporte.
Ce phénomène n’est pas propre au Sénégal. En Afrique centrale, des enfants sont accusés de sorcellerie et rejetés par leurs propres parents. Au Nigeria, 15 000 enfants ont été désignés comme « sorciers » en 2008, selon Al-Jazeera. Partout, le même schéma : un bouc émissaire, une famille qui se déchire, une communauté qui détournent le regard. La différence ? Au Sénégal, on parle moins des enfants-sorciers que des adultes trahis par les leurs. Mais la logique est la même : plutôt que d’affronter ses échecs, on préfère maudire son voisin.
Tapha a eu le courage de parler. Combien d’autres se taisent, par peur ou par honte ? La vraie malédiction, ce n’est pas la sorcellerie, c’est le silence. C’est cette loi du talion qui veut que le sang se paie par le sang, que la réussite se paie par la trahison. Il faut briser ce cycle. Dénoncer les Doudou, ces frères, ces oncles, ces tantes qui sourient en serrant le couteau. Il faut rappeler que la famille doit être un refuge, pas un champ de mines.
La jalousie familiale n’est pas une fatalité. Elle est le symptôme d’une société malade de ses inégalités, de son manque de justice, de son incapacité à offrir à chacun une place digne. Tant que nous continuerons à fermer les yeux, les sourires de Doudou hanteront nos nuits, et ses victimes pleureront en silence.
Et vous, jusqu’où iriez-vous pour briller ?
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Anonyme.
Mis en ligne : 22/09/2025
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