La justice sans la vengeance : Pari mesuré de Diomaye Faye - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Politique | Par Eva | Publié le 30/09/2025 12:09:00

La justice sans la vengeance : Pari mesuré de Diomaye Faye

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L’interview récente de Bassirou Diomaye Faye, président de la République du Sénégal, accordée à France 24 en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, a marqué les esprits. Interrogé sur d’éventuelles poursuites judiciaires contre son prédécesseur, Macky Sall, le chef de l’État sénégalais a affirmé avec fermeté : « Il ne saurait y avoir de présomption de culpabilité sur personne. » Cette déclaration, à la fois mesurée et principielle, mérite d’être saluée. Dans un contexte africain souvent marqué par des règlements de comptes politiques et des procédures judiciaires controversées, le président Faye offre une réponse responsable, loin du populisme et du spectacle.

Pour le Sénégal et pour l’image de l’Afrique, cette posture est rassurante, même si les actes du parquet semblent parfois contredire ce discours.

La question des poursuites contre Macky Sall s’inscrit dans un contexte particulier : celui de la gestion des finances publiques sénégalaises entre 2019 et 2024. Un rapport de la Cour des comptes, publié en février 2025, a révélé des irrégularités majeures, notamment des divergences dans les chiffres de la dette publique, des dépenses non comptabilisées, et une opacité dans la gestion des fonds. Le Premier ministre Ousmane Sonko avait dénoncé, dès septembre 2024, la publication de « données erronées » par l’ancien régime, accusant Macky Sall et ses collaborateurs de « haute trahison ». Ces révélations ont alimenté les tensions et les appels à la justice, dans un pays où la transparence et la bonne gouvernance sont des enjeux cruciaux pour la stabilité et le développement.

Face à ces accusations, Bassirou Diomaye Faye a choisi la voie de la prudence et du respect des principes fondamentaux de l’État de droit. Il a rappelé que « l’ordre public et la paix civile reposent sur une justice équitablement distribuée », insistant sur la nécessité de garantir à chacun le droit à un procès juste, devant un juge indépendant, et sur la base de preuves matérielles. Cette position est d’autant plus remarquable qu’elle intervient dans un climat politique tendu, où la tentation de la vengeance ou de l’instrumentalisation de la justice est forte. En refusant de céder au populisme, le président Faye envoie un signal fort : la justice doit être rendue, mais elle doit l’être avec sérénité, impartialité, et dans le respect des droits de la défense.

Plusieurs éléments plaident en faveur de cette approche. D’abord, la présomption d’innocence est un pilier de toute démocratie. En Afrique, où les anciens chefs d’État sont souvent la cible de procédures judiciaires perçues comme politiquement motivées, le respect de ce principe est essentiel pour éviter les dérives et renforcer la confiance dans les institutions. Ensuite, une justice équitable est la meilleure garantie contre les divisions sociales et les crises politiques. Enfin, en adoptant une posture mesurée, Diomaye Faye se positionne comme un garant de la stabilité, ce qui est crucial pour attirer les investissements et rassurer les partenaires internationaux.

L’histoire récente de l’Afrique offre des exemples contrastés. Certains pays, comme l’Afrique du Sud avec Jacob Zuma ou la Mauritanie avec Mohamed Ould Abdel Aziz, ont engagé des poursuites contre d’anciens dirigeants pour corruption ou malversations. Ces procédures, bien que légitimes, sont parfois perçues comme des instruments de vengeance politique, surtout lorsqu’elles interviennent après un changement de régime. À l’inverse, d’autres nations ont privilégié la réconciliation et la transition pacifique, comme le Sénégal lui-même avec l’ex-président Abdoulaye Wade, évitant ainsi des crises prolongées. La modération de Diomaye Faye s’inscrit dans cette tradition, tout en rappelant que la justice doit suivre son cours, sans précipitation ni partialité.

La réponse de Bassirou Diomaye Faye à France 24 est une démonstration de maturité politique. En plaçant la présomption d’innocence et l’indépendance de la justice au cœur de son discours, il montre que le Sénégal peut concilier exigence de transparence et respect des droits fondamentaux. Cette posture, si elle est suivie d’actes cohérents, pourrait servir de modèle pour d’autres pays africains confrontés à des défis similaires. Pour l’image du Sénégal à l’international, c’est un gage de crédibilité et de sérieux. Espérons que les institutions judiciaires sauront, à leur tour, incarner ces principes dans les faits, afin que les paroles du président ne restent pas lettre morte.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Famara Badiane.
Mis en ligne : 30/09/2025

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