Deux ans de prison pour un tweet : Le Mali sombre dans la dictature - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Afrique | Par Eva | Publié le 04/10/2025 01:10:00

Deux ans de prison pour un tweet : Le Mali sombre dans la dictature

Les opinions exprimées dans cet article sont celles d’un contributeur externe. NotreContinent.com est une plateforme qui encourage la libre expression, la diversité des opinions et les débats respectueux, conformément à notre charte éditoriale « Sur NotreContinent.com chacun est invité à publier ses idées »

Ce lundi 29 septembre 2025, le Mali a offert au monde un nouveau spectacle de sa dérive autoritaire : l’ancien Premier ministre Moussa Mara traîné devant un tribunal spécialisé en cybercriminalité pour un simple tweet. Accusé d’« atteinte au crédit de l’État » et d’« opposition à l’autorité légitime », il risque deux ans de prison. Derrière ce procès, se cache une vérité glaçante : le Mali est désormais gouverné par une junte obsédée par le contrôle, incapable de tolérer la moindre critique, et prête à tout pour se maintenir au pouvoir. Ce n’est plus une transition démocratique, c’est une prise d’otage.

Depuis le coup d’État de 2020, le Mali est dirigé par des militaires qui, après avoir promis un retour rapide à l’ordre constitutionnel, se sont accrochés au pouvoir par tous les moyens. Les élections sont reportées sine die, les opposants sont emprisonnés, et les médias muselés. Moussa Mara, ancien Premier ministre, n’est que la dernière victime en date d’un système qui confond dissidence et criminalité. Son crime ? Avoir exprimé sa solidarité avec d’autres personnalités incarcérées pour avoir osé critiquer la junte. Son tweet, poétique et métaphorique (« Aussi longtemps que dure la nuit, le soleil finira par apparaître »), est devenu un prétexte pour le réduire au silence. Pourtant, dans une démocratie, un message d’espoir ne devrait pas valoir une peine de prison.

Le procès de Moussa Mara est une mascarade judiciaire. Jugé par un tribunal spécialisé dans la cybercriminalité pour un message politique, il incarne le détournement systématique des institutions par les militaires. Sa demande de liberté provisoire a été rejetée d’emblée, comme pour rappeler que la présomption d’innocence n’existe plus. Son avocat, Me Mountaga Tall, a beau plaider la liberté d’expression, le parquet, lui, a déjà tranché : deux ans de prison requis. Le message est clair : au Mali, la justice n’est plus rendue au nom du peuple, mais au nom d’un régime qui se sent assiégé.

Ce qui se joue ici, c’est bien plus qu’un procès. C’est la militarisation totale de la vie publique. Les tribunaux, la police, les médias tout est mis au service de l’armée. Les militaires au pouvoir le savent : ils n’ont aucune légitimité populaire. Leur seule réponse ? La force. L’arrestation de Mara n’est pas un cas isolé. Depuis 2020, des dizaines de voix critiques ont été étouffées, des journalistes intimidés, des manifestations réprimées dans le sang. La junte, en mode survie, préfère la répression au dialogue. Résultat : le Mali s’enfonce dans un cycle de violence et d’isolement.

Les putschistes de 2020 avaient promis de « sauver » le Mali. Cinq ans plus tard, le bilan est accablant : instabilité chronique, insécurité grandissante, et une économie exsangue. Plutôt que de rendre des comptes, la junte préfère faire taire ceux qui osent les remettre en question. Moussa Mara, figure respectée, devient un bouc émissaire idéal. En le condamnant, le régime espère envoyer un signal à tous ceux qui songeraient à le critiquer : la prison vous attend.

Au Mali, l’armée ne se contente plus de diriger elle contrôle. Les tribunaux d’exception se multiplient, les lois sont adaptées pour criminaliser l’opposition, et les médias indépendants sont réduits au silence. Même les réseaux sociaux, derniers espaces de liberté, sont désormais sous surveillance. Le tribunal de lutte contre la cybercriminalité, censé traquer les vrais criminels, est devenu l’outil d’une chasse aux sorcières politique.

Sans dialogue, sans ouverture, le Mali n’a aucun avenir. La junte, en refusant toute transition crédible, condamne le pays à l’isolement. La CEDEAO et l’Union africaine, pourtant promptes à sanctionner les coups d’État, semblent impuissantes. Pendant ce temps, la population, lasse et appauvrie, voit ses espoirs s’évanouir. Le procès de Moussa Mara n’est qu’un symbole de cette impasse : un régime qui, faute de légitimité, ne sait plus gouverner qu’en réprimant.

La situation malienne rappelle les pires heures des dictatures africaines. Comme au Soudan sous Omar el-Béchir, ou en Guinée sous Dadis Camara, la junte utilise la justice comme arme politique. Mais elle s’inspire aussi de modèles plus lointains : la Turquie d’Erdogan, où des milliers de personnes ont été emprisonnées pour des tweets, ou la Russie de Poutine, où l’opposition est systématiquement écrasée. Partout, le scénario est le même : un pouvoir fragile, une répression croissante, et une population prise en otage.

Le procès de Moussa Mara est un révélateur. Il montre un régime aux abois, prêt à sacrifier les libertés fondamentales pour se maintenir. Mais l’histoire nous apprend une chose : les régimes fondés sur la peur et la répression ne durent jamais. Tôt ou tard, le « soleil » évoqué par Mara finira par se lever. En attendant, la communauté internationale ne peut rester silencieuse. La junte malienne doit comprendre qu’un pays ne se gouverne pas par la terreur, mais par le respect des droits et des institutions.

Le Mali n’appartient pas à ses militaires. Il appartient à son peuple. Et ce peuple mérite mieux qu’un État-policier, mieux que des procès politiques, mieux que cette paranoïa qui étouffe tout espoir de démocratie. Il faut agir avant qu’il ne soit trop tard.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Assane Sow.
Mis en ligne : 04/10/2025

La plateforme NOTRECONTINENT.COM permet à tous de diffuser gratuitement et librement les informations et opinions provenant des citoyens. Les particuliers, associations, ONG ou professionnels peuvent créer un compte et publier leurs articles Cliquez-ici.


Réagir à cet article

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

0 commentaires

Réagir à cet article

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

0 commentaires

Copyright © 2023 www.notrecontinent.com

To Top