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L’interpellation de D. Mbodj, surnommée « Gaïndé Macky », militante proche de l’Alliance pour la République (APR), pour des propos tenus dans une vidéo, relance le débat sur la responsabilité des partis politiques dans l’instrumentalisation de leurs militants. Si la justice doit sanctionner les excès, elle ne doit pas servir de paravent à une stratégie bien plus troublante : celle qui consiste, pour les leaders, à encourager la radicalité verbale de leurs troupes, puis à les abandonner quand la pression judiciaire se fait trop forte. Cette hypocrisie mine la démocratie et expose les militants à des risques inutiles, tout en préservant l’impunité des leaders.
Au Sénégal, la violence verbale entre militants de l’APR et du Pastef n’est pas un phénomène isolé. Les deux partis, comme d’autres avant eux, ont souvent toléré, voire alimenté, des discours radicaux de la part de leurs sympathisants.
Des exemples récents montrent que des responsables des deux bords ont tenu des propos insultants ou provocateurs sans en assumer les conséquences. Ainsi, des militants de l’APR et du Pastef ont été interpellés pour des propos similaires à ceux de D. Mbodj, tandis que leurs leaders, eux, continuent de s’exprimer sans crainte de poursuites. Cette asymétrie révèle une stratégie cynique : les partis utilisent leurs militants comme des fusibles, prêts à exploser pour défendre des causes ou attaquer des adversaires, mais rapidement sacrifiés dès que la justice s’en mêle.
L’affaire de D. Mbodj s’inscrit dans une dynamique plus large, où les leaders politiques, tout en appelant publiquement au calme, ferment les yeux sur les excès de leurs partisans, voire les encouragent en coulisses. Des figures comme Ousmane Sonko ou des responsables de l’APR ont, à plusieurs reprises, tenu des discours clivants, sans jamais être inquiétés. Pourtant, quand un militant franchit la ligne, il se retrouve seul face à la justice, tandis que le parti se désolidarise, invoquant la responsabilité individuelle.
Les partis politiques sénégalais, qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition, ont fait des militants leurs soldats de première ligne. Ces derniers, souvent jeunes et passionnés, sont poussés à occuper l’espace médiatique et les réseaux sociaux avec des propos de plus en plus violents. Leur rôle ? Créer du bruit, polariser le débat, et parfois intimider l’adversaire. Mais quand la justice réagit, les leaders se distancient, laissant leurs troupes assumer seules les conséquences de leurs actes.
Cette instrumentalisation n’est pas nouvelle. Elle a été documentée dans d’autres contextes africains, où les partis utilisent leurs militants comme des pions, prêts à être sacrifiés pour servir une cause ou détourner l’attention. Au Sénégal, cette pratique a pris une ampleur inquiétante, avec des militants des deux camps régulièrement interpellés pour des propos que leurs leaders, eux, peuvent tenir en toute impunité.
Le cas de D. Mbodj est emblématique : une militante proche de l’opposition, arrêtée pour des propos que d’autres, plus haut placés, ont pu prononcer sans risque. Pourquoi elle, et pas ceux qui, hier encore, tenaient des discours tout aussi violents ? La réponse est simple : les militants sont remplaçables ; les leaders, non.
Alors que des militants de l’APR et du Pastef sont régulièrement interpellés pour des propos jugés contraires aux bonnes mœurs ou insultants, leurs leaders continuent de s’exprimer sans crainte. Ousmane Sonko, par exemple, a tenu des discours très critiques, voire provocateurs, sans jamais être inquiété pour des propos comparables à ceux de ses militants. Même constat du côté de l’APR, où des responsables ont multiplié les déclarations polémiques sans conséquences judiciaires.
La Division spéciale de cybersécurité (DSC) semble cibler davantage les militants que les leaders. Pourtant, ce sont bien ces derniers qui fixent le ton et encouragent, directement ou indirectement, la radicalisation de leurs troupes. Cette sélectivité affaiblit la crédibilité de la justice et renforce le sentiment d’injustice chez les militants, qui se sentent utilisés puis abandonnés.
Cette stratégie contribue à envenimer les tensions. En laissant croire que tout est permis, tant qu’on agit au nom du parti, les leaders alimentent un cycle de violence verbale, puis physique. Les affrontements entre militants de l’APR et du Pastef, de plus en plus fréquents, en sont la preuve.
L’hypocrisie des appels au calme, Lls leaders appellent régulièrement à la modération, mais leurs actes contredisent leurs paroles. Des ministres ou des responsables de parti ont ouvertement encouragé leurs militants à « riposter » ou à « se venger », attisant ainsi les braises.
La démocratie sénégalaise ne peut se contenter de sacrifier des militants pour sauver les apparences. Il faut que les leaders politiques assument pleinement leurs responsabilités. La justice doit cesser de servir d’outil de régulation des tensions politiques et s’attaquer aux vrais responsables : ceux qui, depuis des années, instrumentalisent leurs troupes et alimentent la violence verbale.
Les partis doivent cesser d’utiliser leurs militants comme des boucliers humains. Les leaders qui encouragent, directement ou indirectement, la radicalité doivent être tenus pour responsables. La société civile, les médias et la justice ont un rôle clé à jouer pour briser ce cycle. Sans cela, le Sénégal risque de sombrer dans une spirale où la politique ne sera plus qu’un champ de bataille, et les militants, les premières victimes d’un jeu qu’ils n’ont pas choisi.
La démocratie se construit avec des règles claires et une justice équitable. Elle ne peut prospérer dans un climat où les puissants sont intouchables, et où les plus fragiles paient le prix de leurs excès. On doit mettre fin à cette hypocrisie.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Tabara M.
Mis en ligne : 05/10/2025
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