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Ziguinchor, une région sénégalaise autrefois réputée pour son potentiel agricole, est aujourd’hui le symbole d’un déclin alarmant. Malgré des chiffres macroéconomiques flatteurs pour certaines régions du pays, la réalité sur le terrain à Ziguinchor est tout autre : les champs se vident, les villages se meurent, et l’exode rural s’accélère, laissant derrière lui une terre appauvrie et un environnement dégradé. L’article récent de l’ANSD soulignant le PIB par habitant record de Kédougou et Dakar ne doit pas masquer la crise profonde qui frappe Ziguinchor, où l’abandon des terres agricoles et la désertification des campagnes menacent non seulement l’équilibre écologique, mais aussi la survie même des communautés locales.
Ziguinchor, située en Basse-Casamance, a longtemps bénéficié de conditions écologiques favorables à l’agriculture, notamment grâce à sa proximité avec le fleuve Casamance. Pourtant, depuis plusieurs décennies, la région subit une pression démographique et urbaine croissante, qui a entraîné une compétition accrue pour l’espace, au détriment des terres cultivables. Selon une étude publiée en 2025, l’extension urbaine de Ziguinchor a réduit de manière significative les surfaces agricoles disponibles, tandis que la population, majoritairement d’origine rurale, a préféré quitter les campagnes pour s’installer dans les grandes villes, notamment Dakar. Ce phénomène n’est pas isolé : il s’inscrit dans une tendance plus large d’exode rural qui touche l’ensemble du Sénégal, où les jeunes, en quête d’opportunités économiques, délaissent les champs pour des métiers urbains souvent précaires, comme la maçonnerie ou la mécanique.
Les données récentes confirment cette tendance. Malgré des projets gouvernementaux visant à moderniser l’agriculture et à améliorer l’irrigation, comme le Projet de Développement de la Chaîne de Valeur Riz (PDCVR), la région de Ziguinchor peine à inverser la courbe. En 2023/2024, Ziguinchor a produit 250 760 tonnes de riz paddy, soit 16 % de la récolte nationale, mais cette performance masque une réalité plus sombre : la superficie cultivée stagne, et les rendements restent faibles en raison du manque d’investissements, de l’érosion des sols et de la pression foncièreagenceecofin.com. Par ailleurs, la dégradation des terres, aggravée par le changement climatique et des pratiques agricoles non durables, réduit chaque année la capacité productive des sols. La désertification, qui touche déjà de vastes zones du Sahel, menace désormais la Casamance, où la salinisation des sols et la réduction de la biodiversité sont devenues des problèmes majeurs.
L’abandon des terres agricoles à Ziguinchor a des conséquences dramatiques. D’une part, il aggrave l’insécurité alimentaire locale, obligeant les populations à dépendre davantage des importations. D’autre part, il accélère la dégradation de l’environnement, avec des sols de moins en moins fertiles et une biodiversité en déclin. Dans d’autres régions africaines, comme le nord du Nigeria ou le Soudan, sont édifiantes : partout où l’exode rural s’intensifie, les terres abandonnées deviennent des zones de désertification avancée, et les communautés rurales sombrent dans la pauvreté. Au Nigeria, par exemple, la productivité agricole a chuté de 34 % depuis les années 1960 en raison du changement climatique et de la pression démographique, un scénario qui risque de se répéter à Ziguinchor si rien n’est fait.
De plus, l’urbanisation anarchique et la spéculation foncière exacerbent le problème. À Ziguinchor, comme dans d’autres villes africaines, les espaces agricoles périphériques sont progressivement grignotés par des constructions informelles, réduisant encore les surfaces cultivables. Les projets d’écovillages, bien que prometteurs, peinent à se concrétiser à grande échelle, faute de moyens et de volonté politique suffisants.
Le cas de Ziguinchor illustre les limites d’un modèle de développement qui privilégie les indicateurs économiques globaux au détriment des réalités locales. Tant que les politiques publiques ne parviendront pas à rendre l’agriculture attractive pour les jeunes, à moderniser les infrastructures rurales et à lutter efficacement contre la désertification, la région continuera de s’enfoncer dans une spirale de déclin. Il faut repenser le modèle agricole sénégalais, en plaçant la résilience écologique et la souveraineté alimentaire au cœur des priorités. Sans cela, Ziguinchor risque de devenir un désert économique et environnemental, et son exemple pourrait bien se répandre à d’autres régions du pays.
La question qui se pose aujourd’hui est simple : le Sénégal est-il prêt à payer le prix de l’abandon de ses campagnes, ou saura-t-il inverser la tendance avant qu’il ne soit trop tard ?
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Marc Diop.
Mis en ligne : 05/10/2025
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