Les opinions exprimées dans cet article sont celles d’un contributeur externe. NotreContinent.com est une plateforme qui encourage la libre expression, la diversité des opinions et les débats respectueux, conformément à notre charte éditoriale « Sur NotreContinent.com chacun est invité à publier ses idées »
L’ancien ministre de la Jeunesse, Pape Malick Ndour, a récemment tenu une conférence de presse pour dénoncer sa convocation par la Section de Recherches de Colobane, qualifiant les accusations portées contre lui de « pur fantasme ». Il affirme ne connaître « ni d’Adam ni d’Ève » Pape Abdoulaye Touré, le militant qui l’accuse de complicité de torture. Pourtant, cette déclaration soulève plus de questions qu’elle n’apporte de réponses.
En tant qu’ancien membre du gouvernement, son ignorance affichée semble peu crédible, et sa stratégie de communication, visant à discréditer la procédure avant même qu’elle ne suive son cours, interroge.
Au Sénégal, les affaires impliquant d’anciens ministres ne sont pas rares, mais elles prennent une résonance particulière lorsque les accusés, forts de leur statut, semblent chercher à échapper à leur responsabilité plutôt qu’à éclairer la justice. Pape Malick Ndour, comme d’autres avant lui, invoque une instrumentalisation politique pour se soustraire à des questions légitimes. Pourtant, l’histoire récente montre que les procédures judiciaires, aussi imparfaites soient-elles, restent le seul moyen de faire la lumière sur des actes graves, notamment lorsqu’ils touchent aux droits fondamentaux des citoyens. Dans un pays où la confiance dans les institutions est souvent mise à mal, chaque affaire de ce type devient un test pour l’État de droit.
La convocation de Pape Malick Ndour s’inscrit dans le cadre d’une enquête sur des allégations de torture impliquant des figures de l’ancien régime. Ces accusations, si elles sont avérées, ne peuvent être balayées d’un revers de main sous prétexte de persécution politique. Elles méritent une réponse claire, surtout de la part de quelqu’un qui a occupé une fonction ministérielle, synonyme d’accès à des informations et des réseaux inaccessibles au commun des mortels.
Pape Malick Ndour affirme ne pas connaître Pape Abdoulaye Touré. Une déclaration pour le moins surprenante. En tant que ministre, il bénéficiait d’un accès privilégié aux cercles du pouvoir, aux services de renseignement, et aux dossiers sensibles. Prétendre ignorer l’existence d’un militant actif, surtout dans un contexte politique tendu, relève soit d’une mémoire défaillante, soit d’une stratégie de défense bien rodée. Cette posture rappelle d’autres cas, au Sénégal comme ailleurs, où des responsables politiques ont nié toute connaissance de dossiers ou de personnes, avant que des éléments concrets ne viennent contredire leurs propos. On se souvient, par exemple, d’anciens dirigeants africains qui, confrontés à des accusations similaires, avaient d’abord crié au complot avant que des preuves ne révèlent leur implication directe ou indirecte.
Sa conférence de presse, organisée avant même qu’il ne se présente devant la justice, semble moins destinée à éclairer l’opinion qu’à l’influencer. En transformant une convocation judiciaire en tribune médiatique, il cherche à retourner l’opinion en sa faveur, jouant sur l’émotion et la défiance envers les institutions. Pourtant, une telle approche affaiblit la crédibilité de son discours. Si Pape Malick Ndour est convaincu de son innocence, pourquoi ne pas laisser la justice faire son travail, sans chercher à la discréditer par avance ?
Cette stratégie n’est pas sans risque. Elle donne l’impression d’un homme plus soucieux de protéger son image que de coopérer avec les autorités pour établir la vérité. Pire, elle minimise la gravité des accusations portées contre lui. Les allégations de torture ne sont pas des détails anodins ; elles touchent à l’intégrité physique et morale des individus. Les victimes, elles, n’ont pas toujours la possibilité de s’exprimer devant les caméras.
Un ministre, surtout dans un contexte politique aussi polarisé que celui du Sénégal ces dernières années, ne peut raisonnablement prétendre ignorer les figures militantes actives, surtout si elles sont liées à des affaires sensibles. Les services de sécurité, les rapports administratifs, et les réseaux politiques veillent à ce que les responsables soient informés des dynamiques à l’œuvre sur le terrain. Affirmer ne pas connaître Pape Abdoulaye Touré revient à sous-estimer l’étendue de ses propres prérogatives passées.
En organisant une conférence de presse avant sa convocation, Pape Malick Ndour inverse la logique républicaine : au lieu de répondre d’abord devant les juges, il choisit de juger la procédure devant l’opinion publique. Cette approche, loin d’être neutre, vise à créer un climat de suspicion autour de l’enquête, comme si la justice devait d’abord prouver sa légitimité avant même d’avoir entendu les parties. Une telle attitude, si elle était généralisée, rendrait impossible toute enquête sur des personnalités publiques.
Les responsables politiques, une fois leur mandat terminé, restent redevables de leurs actes devant les citoyens. Leur devoir de transparence ne s’éteint pas avec leur départ du gouvernement. Au contraire, il se renforce, car c’est souvent après coup que les abus commis sous leur autorité viennent à la lumière. Refuser de s’expliquer pleinement, sous prétexte de persécution, revient à nier ce principe fondamental.
L’histoire regorge d’exemples où des dirigeants ont nié en bloc des accusations, avant que des enquêtes indépendantes ne révèlent leur implication. Au Sénégal, comme dans d’autres pays africains, des affaires de corruption, de répression, ou de violations des droits humains ont souvent été étouffées par des discours similaires à celui de Pape Malick Ndour. Ces cas doivent servir de leçon : la justice, aussi lente soit-elle, finit souvent par rétablir les faits.
Pape Malick Ndour a le droit de se défendre, mais il a aussi le devoir de le faire avec honnêteté et respect pour les institutions. Son ignorance affichée et sa stratégie médiatique soulèvent des doutes légitimes sur sa crédibilité. Plutôt que de crier au complot, il devrait saisir l’occasion de démontrer sa bonne foi en coopérant pleinement avec la justice.
Le vrai test pour un ancien ministre n’est pas de savoir s’il peut échapper à une convocation, mais s’il est prêt à assumer ses responsabilités devant les citoyens. La justice n’est pas une ennemie à combattre, mais un recours pour rétablir la vérité. En cela, Pape Malick Ndour, comme tout autre responsable public, se doit de montrer l’exemple. Sinon, il ne fera que confirmer les pires suspicions : celles d’un système où les puissants se croient intouchables, même face aux accusations les plus graves.
Il faut que les anciens ministres comprennent que leur légitimité ne repose pas sur leur capacité à éviter les questions, mais sur leur volonté d’y répondre. La crédibilité de la classe politique en dépend. Et celle du Sénégal aussi.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Saliou F.
Mis en ligne : 08/10/2025
—
La plateforme NOTRECONTINENT.COM permet à tous de diffuser gratuitement et librement les informations et opinions provenant des citoyens. Les particuliers, associations, ONG ou professionnels peuvent créer un compte et publier leurs articles Cliquez-ici.




