« Renommer ne remplit pas les assiettes » : Sonko oublie ses priorités - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Politique | Par Eva | Publié le 11/10/2025 03:10:30

« Renommer ne remplit pas les assiettes » : Sonko oublie ses priorités

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Lors d’une visite au cimetière des Tirailleurs sénégalais à Thiaroye, le Premier ministre Ousmane Sonko a relancé le débat sur le changement d’appellation de ces soldats en « Tirailleurs africains », au nom d’une rupture avec la logique colonialiste. Si la symbolique est forte, elle interroge : alors que le Sénégal traverse une crise économique et sociale profonde, ce débat est-il vraiment une priorité ?

À l’heure où le chômage des jeunes, la précarité sanitaire et l’éducation défaillante exigent des réponses immédiates, la polémique sémantique apparaît comme un luxe que le pays ne peut se permettre.

Le Sénégal de 2025 est un pays en tension. Le Plan de redressement économique et social (PRES), présenté en août 2025, mise sur la souveraineté économique, l’équité sociale et la rationalisation des dépenses publiques pour mobiliser 5 667 milliards de FCFA d’ici 2028, principalement issus de ressources nationales. Les priorités sont claires : relancer l’emploi, renforcer la protection sociale, et stabiliser un cadre macroéconomique dégradé.

Le Chef de l’État, Bassirou Diomaye Faye, a lui-même insisté sur l’urgence de « classer parmi les actions prioritaires du gouvernement » la couverture sanitaire universelle, la restructuration des filets sociaux, et l’employabilité des jeunes, notamment à travers la formation professionnelle et l’entreprenariat. Dans ce contexte, les discussions sur la mémoire coloniale, aussi légitimes soient-elles, semblent déconnectées des réalités quotidiennes de millions de Sénégalais.

La question de l’appellation des Tirailleurs, bien que porteuse de sens, concerne-t-elle vraiment la majorité de la population ? Les jeunes Sénégalais, frappés par un chômage massif et tentés par l’émigration, s’intéressent-ils davantage à la toponymie historique ou à l’accès à un emploi stable ? Les commémorations du massacre de Thiaroye en 2024 ont certes marqué les esprits, et des voix s’élèvent pour une meilleure transmission de cette histoire, notamment dans les programmes scolaires. Pourtant, force est de constater que les attentes immédiates portent davantage sur des améliorations tangibles : écoles fonctionnelles, hôpitaux équipés, et opportunités économiques.

Les initiatives pour honorer les Tirailleurs existent déjà : des fouilles archéologiques sont en cours à Thiaroye, et des associations, comme en Côte d’Ivoire, œuvrent pour intégrer leur mémoire dans les écoles. Mais ces efforts restent marginaux face à l’ampleur des besoins sociaux. Plutôt que de s’attarder sur un changement de nom, pourquoi ne pas investir massivement dans des musées, des centres de documentation, ou des programmes éducatifs accessibles à tous ? La France a d’ailleurs reconnu officiellement le massacre de Thiaroye et la contribution des Tirailleurs. La balle est désormais dans le camp du Sénégal pour transformer cette mémoire en outil pédagogique concret, plutôt qu’en sujet de polémique.

Les priorités économiques et sociales primeront toujours : avec un besoin de financement public estimé à 26 % du PIB pour 2025, le Sénégal doit concentrer ses ressources sur des réformes structurelles (fiscalité, énergie, industrie) et des services publics essentiels. Le temps et l’énergie consacrés à des débats sémantiques pourraient être mieux utilisés pour accélérer la mise en œuvre du PRES ou des pôles territoriaux de développement, censés créer des emplois et réduire les inégalités.

Si les intellectuels et les responsables politiques s’emparent de la question mémorielle, les Sénégalais ordinaires, surtout les jeunes, attendent des solutions à leurs difficultés quotidiennes. Les commémorations et les discours, aussi nobles soient-ils, ne nourrissent pas les familles ni ne soignent les malades.

La mémoire se construit par l’action, pas par les mots : renommer les Tirailleurs « africains » ne changera rien à leur reconnaissance réelle. En revanche, financer des musées, des expositions itinérantes, ou des manuels scolaires actualisés aurait un impact bien plus durable. La transmission de l’histoire passe par des outils concrets, pas par des déclarations.

En Côte d’Ivoire, des associations travaillent directement avec les écoles pour transmettre l’histoire des Tirailleurs, en s’appuyant sur des témoignages et des supports pédagogiques. En France, des budgets importants sont alloués chaque année à la mémoire et à la culture, avec des crédits en hausse pour les musées et la transmission des savoirs. Le Sénégal, lui, peine encore à consacrer des moyens suffisants à ces enjeux, préférant parfois les gestes symboliques aux investissements durables.

Le débat sur l’appellation des Tirailleurs est légitime, mais il ne doit pas servir d’écran de fumée aux vrais défis du pays. Le gouvernement sénégalais a le devoir de recentrer ses efforts sur ce qui compte vraiment : l’éducation, la santé, et l’emploi. La mémoire collective se préserve par des actes, pas par des polémiques. Plutôt que de changer un nom, investissons dans des musées, des archives accessibles, et des programmes scolaires qui rendent hommage à ces héros tout en préparant l’avenir des générations futures.

Il faut passer des mots aux actes. La dignité des Tirailleurs ne se défend pas par des discours, mais par des politiques publiques ambitieuses qui honorent leur sacrifice en bâtissant un Sénégal plus juste et plus prospère. Les Sénégalais méritent mieux que des symboles : ils méritent des résultats.

Article opinion écrit par la créatrice de contenu :Chantal M.
Mis en ligne : 11/10/2025

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