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L’actualité politique sénégalaise vient de nous offrir un nouvel épisode de la série « comment étouffer la critique interne » : Salimata Dieng, adjointe secrétaire générale nationale de la Jeunesse Patriotique du Sénégal (JPS) et chargée de mission à la Présidence, a été limogée pour avoir osé publier sur Facebook un post critique envers la gestion du parti et du gouvernement par Diomaye Faye et Ousmane Sonko. Son tort ? Avoir dénoncé, avec des mots justes et documentés, le « laxisme grandissant », le « bureau politique aphone » et l’ « accumulation de mauvais choix » au sein du PASTEF, parti qui se targuait pourtant d’incarner la rupture et la transparence.
Si ses constats sont partagés par beaucoup, sa sanction révèle une vérité bien plus inquiétante : le PASTEF, une fois au pouvoir, reproduit les pires travers des régimes qu’il a combattus. Facebook n’est ni un bureau politique ni un cadre approprié pour exprimer des vérités dérangeantes, semble-t-il, quand on est membre d’une structure qui prône la liberté d’expression… à condition qu’elle soit alignée.
Le PASTEF a bâti sa légende sur la résistance, la jeunesse et la parole libérée. Pendant des années, ses militants ont payé le prix de leur engagement : prison, répression, exil. Mais depuis son arrivée au pouvoir, le parti de Ousmane Sonko et Diomaye Faye semble avoir oublié ses promesses. Les jeunes, pilier de la mobilisation, sont aujourd’hui cantonnés à des postes symboliques, sans moyens ni pouvoir réel. Les ex-détenus politiques, héros d’hier, sont laissés pour compte. Les militants compétents, formés, sont ignorés au profit d’une nomenklatura vieillissante et d’influenceurs courtisés pour leur visibilité, non pour leur engagement. Salimata Dieng n’a fait que mettre des mots sur ce que beaucoup murmurent : le PASTEF, parti « le plus dynamique du Sénégal et de l’Afrique », est en train de trahir sa base, sa jeunesse, et ses idéaux.
Son post, publié sur Facebook, est un cri d’alarme : « Depuis l’accession de notre parti au pouvoir, un constat amer s’impose : un laxisme grandissant s’installe au cœur de PASTEF. » Elle y dénonce l’absence de politique cohérente pour la jeunesse, l’opacité des nominations, et l’absence de réponse à un plan stratégique soumis depuis plus de quinze mois. Des faits, pas des insultes. Des questions légitimes, pas des complots. Pourtant, plutôt que d’y répondre par des actes, le pouvoir a choisi la sanction exemplaire : un limogeage discret, sans débat, sans explication publique. Comme sous l’ère Macky Sall, que le PASTEF a tant critiquée.
Que révèle ce limogeage ? D’abord, une intolérance croissante à la critique interne. Salimata Dieng n’est pas une opposante : elle est une militante historique, élue sur la liste nationale du parti, nommée à la Présidence par décret. Son crime ? Avoir utilisé un espace public, Facebook, pour interpelller ses propres dirigeants. Or, dans un parti qui se veut révolutionnaire, la parole des militants devrait être sacrée, surtout quand elle est constructive. Mais voici que le PASTEF, une fois aux commandes, adopte les réflexes des anciens régimes : étouffer les voix dissonantes, sanctionner ceux qui osent dire haut ce que d’autres pensent tout bas.
Les arguments avancés pour justifier son éviction sont révélateurs. On lui reproche un « manque de loyauté » envers le Président Diomaye Faye. Mais la loyauté, dans un parti qui se veut démocratique, ne devrait-elle pas aller d’abord aux idéaux, aux militants, au peuple ? La loyauté aveugle, celle qui consiste à se taire quand tout va mal, n’est-elle pas la pire des trahisons ? Comme l’a rappelé Ousmane Sow, autre militant du PASTEF, « sanctionner une voix libre pour avoir dit la vérité traduit un glissement dangereux vers le silence et la peur ».
Pire, cette affaire montre que le PASTEF, parti qui a surfé sur la vague de la rupture, est en train de devenir ce qu’il combattait : un appareil où la parole est contrôlée, où la jeunesse est instrumentalisée, où la critique est perçue comme une menace. Le bureau politique, « aphone » selon Dieng, ne débat plus, ne propose plus, ne décide plus. Tout repose sur un homme, Ousmane Sonko, et une poignée de proches. La base militante, elle, est priée de se taire ou de quitter le navire.
Les jeunes du PASTEF, qui ont risqué leur vie pour le parti, sont aujourd’hui relégués à des rôles de figurants. Les directions dédiées à la jeunesse sont confiées à des responsables du « troisième âge », les « chargés de mission » n’ont ni mission ni formation, et les projets stratégiques restent lettre morte. Comment croire en un parti qui méprise ainsi sa propre relève ?
Plutôt que d’ouvrir un débat sur les dysfonctionnements pointés, le pouvoir a choisi la manière forte. Aucun communiqué officiel, aucune explication publique, juste un arrêté présidentiel signé dans l’ombre. Une méthode digne des pires heures de l’ancien régime.
Le PASTEF a été porté par la promesse d’un Sénégal plus juste, plus transparent, plus participatif. Pourtant, dès qu’une voix s’élève pour rappeler ces engagements, elle est réduite au silence. Où est la rupture annoncée ? Où est la démocratie interne ?
Que Salimata Dieng ait choisi Facebook pour s’exprimer en dit long sur l’état du débat interne au PASTEF. Si les instances du parti ne permettent plus aux militants de s’exprimer, si les réunions sont des chambers d’enregistrement, alors les réseaux sociaux deviennent le dernier espace de liberté. Mais attention : même là, le pouvoir veille. Et sanctionne.
Cette affaire n’est pas isolée. En Guinée, sous la junte de Mamadi Doumbouya, les opposants sont enlevés, les médias muselés, les manifestations interdites. Au Burkina Faso, la junte d’Ibrahim Traoré a étouffé toute velléité de débat politique, imposant un silence de plomb. Au Sénégal, on n’en est pas (encore) là. Mais quand un parti qui a lutté contre l’autoritarisme commence à museler ses propres militants, le signal est clair : la tentation du pouvoir absolu guette tous les régimes, même ceux issus de la contestation.
Le limogeage de Salimata Dieng est un symbole. Symbole d’un parti qui, une fois au pouvoir, oublie ses promesses et reproduit les erreurs du passé. Symbole d’une jeunesse sacrifiée sur l’autel du pouvoir. Symbole, enfin, d’une dérive autoritaire qui, si elle n’est pas stoppée, pourrait bien mener le PASTEF à sa perte.
Facebook n’est pas un bureau politique, soit. Mais quand un parti refuse le débat interne, quand il sanctionne ceux qui osent parler, alors il perd toute légitimité à gouverner au nom du peuple. Le PASTEF doit choisir : soit il reste fidèle à ses idéaux de transparence et de participation, soit il assume sa mutation en machine à étouffer les critiques. Dans les deux cas, l’histoire jugera.
Une chose est sûre : Salimata Dieng, en osant dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas, a rendu un fier service à la démocratie. À son parti de décider s’il veut encore en être digne.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Justin Diouf.
Mis en ligne : 12/10/2025
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