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Alioune Tine, président de l’Africajom Center, ne mâche pas ses mots : « À Touba, l’impuissance de l’État est palpable. » Pourtant, le ministre de l’Assainissement, Cheikh Tidiane Dieye, se félicite de « résultats probants » et d’un bilan « globalement satisfaisant » lors de ses conférences de presse. Mais la réalité, elle, est tout autre. Chaque hivernage, Touba et Bakel se noient sous les eaux, malgré les milliards engloutis et les promesses répétées. L’État sénégalais, incapable d’anticiper ou de protéger ses citoyens, se contente de pomper, de communiquer, et de laisser les populations se débrouiller. Franchement, Alioune Tine a raison. Et il faut le dire haut et fort : cette gestion désastreuse des inondations est un scandale d’État.
Depuis des années, les inondations ravagent Touba, Bakel, et d’autres localités du Sénégal. En 2025, plus de 4 500 maisons ont été inondées, des axes routiers bloqués, des vies perdues. À Bakel, 8 milliards de FCFA ont été investis, mais les résultats se font toujours attendre. Les crues du fleuve Sénégal ont fait 3 825 sinistrés dans cette seule région, et les chefs de village hurlent leur colère : « Nous refusons d’être les oubliés de la République ». Pendant ce temps, le ministre Dieye multiplie les déclarations rassurantes, tandis que les habitants, eux, comptent leurs morts et leurs pertes.
À Touba, la situation est encore plus critique. La cité religieuse, symbole de piété et de résilience, est devenue le symbole de l’abandon étatique. Les opérations de pompage s’intensifient, mais seulement après que les dégâts soient faits. Les quartiers sensibles comme Gouye Ziar ou Dekk Dakhar sont submergés, et les populations, livrées à elles-mêmes, doivent faire face à des conditions d’hygiène désastreuses, à des maisons effondrées, à des écoles inondées. Pourtant, chaque année, c’est la même répétition : l’État attend que l’eau monte pour agir, au lieu de prévenir.
Le ministre Dieye « bouge partout », mais à quoi bon ? Les concertations interministérielles, les plans d’urgence, les bulletins hydrologiques ne servent à rien si, sur le terrain, rien ne change. Les 8 milliards de Bakel ? Une gabegie. Les 35 milliards de la Banque mondiale pour l’assainissement ? Une goutte d’eau dans l’océan des besoins. Pire, l’État semble se décharger de ses responsabilités en demandant aux populations de « s’adapter » et de « participer ». Mais comment anticiper quand on n’a ni ressources, ni formation, ni infrastructures ?
La vérité, c’est que l’État sénégalais a échoué sur toute la ligne :
Manque de prévention: Malgré les alertes météorologiques et les risques connus, aucune mesure structurelle n’est prise avant les pluies. Les plans d’urgence sont lancés en catastrophe, quand il est déjà trop tard.
Gestion à la petite semaine : Les pompages s’accélèrent après les inondations, les abris d’urgence sont ouverts quand les maisons sont déjà sous l’eau. Où est la planification ? Où est la vision à long terme ?
Inégalités criantes : Dakar et ses environs bénéficient de moyens, tandis que Touba, Bakel et d’autres villes sont laissées pour compte. Pourquoi certaines zones sont-elles protégées, et d’autres sacrifiées ?
8 milliards à Bakel, des dizaines de milliards ailleurs… pour quel résultat ? Les infrastructures promises ne voient jamais le jour, ou arrivent trop tard. Les fonds sont-ils détournés ? Mal gérés ? Peu importe : le résultat est le même des populations abandonnées.
Le ministre Dieye excelle dans l’art de la conférence de presse, mais sur le terrain, c’est le chaos. Les bulletins du ministère parlent de « progrès notables » à Diourbel, mais à Touba, les quartiers restent sous l’eau.
Les chefs de village de Bakel et Kanel dénoncent un « abandon » pur et simple. Les sinistrés attendent des vivres, des abris, des solutions et reçoivent des promesses.
Comment oser parler de succès quand des milliers de personnes sont déplacées, quand des enfants meurent de maladies liées aux eaux stagnantes, quand des écoles ne peuvent pas rouvrir ?
Le Sénégal n’est pas le seul pays touché par les inondations. Au Nigeria, en Guinée, au Soudan du Sud, les crues font des centaines de morts chaque année. Mais la différence, c’est que ces pays, malgré leurs moyens limités, reconnaissent leurs échecs et demandent de l’aide internationale. Au Sénégal, on préfère mentir : le ministre Dieye parle de bilan « globalement satisfaisant », tandis que l’ONU et les ONG tirent la sonnette d’alarme.
Au Nigeria, les inondations de 2025 ont fait plus de 200 morts en quelques jours, mais au moins, les autorités admettent leurs défaillances et appellent à la solidarité internationale. Au Sénégal, on persiste dans le déni. Pourtant, les solutions existent : gestion intégrée des inondations, alertes précoces, infrastructures durables. Mais pour cela, il faudrait une volonté politique et elle fait cruellement défaut.
Alioune Tine a raison : à Touba, l’impuissance de l’État est palpable. Mais ce n’est pas une fatalité. Les Sénégalais méritent mieux que des discours creux et des milliards engloutis dans le sable. Ils méritent un État qui les protège, qui anticipe, qui agit.
Il faut cesser de se voiler la face. Les inondations ne sont pas une malédiction divine, mais le résultat d’une gestion désastreuse, d’une corruption endémique, et d’un mépris affiché pour les populations les plus vulnérables. L’État doit rendre des comptes. Les responsables doivent être sanctionnés. Et les citoyens doivent exiger mieux avant que la prochaine saison des pluies ne transforme à nouveau leurs vies en cauchemar.
Touba se noie. Bakel se noie. Le Sénégal se noie. Et l’État regarde, impuissant ou pire, indifférent. Jusqu’à quand ?
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Abdoul Camara.
Mis en ligne : 14/10/2025
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