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L’affaire Aliou Sall est un coup de projecteur cruel sur les limites du « nouveau Sénégal » porté par Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye. Libéré sous caution après quelques jours de garde à vue pour des soupçons de blanchiment de capitaux, le frère de l’ex-président Macky Sall a eu le culot de remercier son clan, les communautés religieuses et même son frère « pour son soutien ». Pendant ce temps, le duo au pouvoir, élu sur la promesse d’en finir avec l’impunité des puissants, observe en silence. Pire : tout se passe comme si le système qu’ils prétendent combattre les avait déjà digérés.
L’affaire Aliou Sall n’est pas qu’un dossier judiciaire de plus. C’est un test grandeur nature pour Sonko et Diomaye : vont-ils oser toucher aux intouchables, ou leur révolution ne sera-t-elle qu’un slogan de plus dans l’histoire des trahisons politiques africaines ?
Aliou Sall, ex-maire de Guédiawaye et frère de l’ancien président, incarne tout ce que le Sénégal rejette : la corruption, le clientélisme, l’enrichissement illicite. Accusé d’avoir bénéficié de transactions opaques (170 millions de FCFA versés par la société Sertem, 70 millions présentés comme un « prêt personnel » déjà remboursé), il a pu s’acheter une liberté provisoire pour 240 millions de FCFA une somme dérisoire pour un homme habitué aux magouilles, mais une fortune pour des millions de Sénégalais qui peinent à joindre les deux bouts. Pourtant, malgré les soupçons de la CENTIF et les preuves accablantes, le couple Sall est déjà dehors, protégé par un réseau d’avocats complaisants.
Sonko et Diomaye ont été portés au pouvoir par une jeunesse en colère, lasse des scandales à répétition et des promesses non tenues. Leur discours était clair : « Nous allons nettoyer le système. » Mais aujourd’hui, face à l’un des symboles les plus criants de la prédation sous Macky Sall, leur silence est assourdissant. Où est la rupture annoncée ? Où est la justice impartiale ? À croire que certains sont plus égaux que d’autres, même sous un nouveau régime.
Le problème n’est pas seulement Aliou Sall. C’est la crédibilité même de Sonko et Diomaye qui est en jeu. Leur légitimité repose sur une promesse : briser la chaîne de l’impunité. Or, si Aliou Sall s’en sort sans conséquences, ce sera la preuve que rien n’a changé. Que les élites, qu’elles soient anciennes ou nouvelles, restent intouchables. Que la justice sénégalaise continue d’être un instrument aux mains des puissants.
Pire, cette affaire révèle les risques de récupération. Sonko, ancien opposant radical, et Diomaye, figure de la résistance, savent mieux que quiconque comment le système fonctionne. Mais maintenant qu’ils en font partie, vont-ils oser s’attaquer à ceux qui, hier encore, les combattaient ? Ou vont-ils, comme tant d’autres avant eux, se laisser corrompre par les mécanismes du pouvoir ?
En Guinée, après le coup d’État de 2021, les militaires de Mamady Doumbouya avaient promis une « refondation » du pays. Résultat : les anciens dignitaires du régime d’Alpha Condé circulent toujours librement, et les promesses de justice sociale se sont évaporées. Au Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré a séduit la jeunesse avec un discours anti-impérialiste et anti-corruption. Pourtant, deux ans plus tard, les vieilles habitudes reviennent, et les espoirs de changement s’étiolent. Le Sénégal risque de suivre la même voie : une révolution avortée, étouffée par les compromis et les calculs politiques.
Si le pouvoir actuel laisse filer Aliou Sall, ce sera un signal clair envoyé à tous les prédateurs du régime précédent : « Vous n’avez rien à craindre. » Les Sénégalais, eux, ne l’oublieront pas. Les manifestations de 2021 à 2024, réprimées dans le sang, ont montré à quel point le peuple est las des mensonges. Une clémence envers Aliou Sall serait perçue comme une trahison et alimenterait une colère déjà à son comble.
À l’inverse, si Sonko et Diomaye décident de poursuivre l’affaire jusqu’au bout, ils s’exposent aux représailles des réseaux de Macky Sall, toujours influents. Les pressions seront immenses : menaces, chantages, tentatives de déstabilisation. Mais c’est précisément ce qu’on attend d’eux : qu’ils résistent. Qu’ils prouvent que leur combat n’était pas qu’un coup de communication.
Sonko et Diomaye n’ont plus le choix. Soit ils agissent, et ils envoient un message fort à tous ceux qui pensent pouvoir continuer à piller le Sénégal en toute impunité. Soit ils reculent, et ils rejoindront la longue liste des dirigeants africains qui ont trahi leurs promesses dès leur arrivée au pouvoir.
L’affaire Aliou Sall n’est pas qu’un dossier judiciaire. C’est un moment de vérité. Si le duo au pouvoir ne parvient pas à faire mieux que ses prédécesseurs, il perdra ce qui lui reste de crédibilité. Et le Sénégal, une fois de plus, sera le grand perdant.
La balle est dans leur camp. Mais une chose est sûre : le peuple regarde. Et il n’oubliera pas.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Amadou Fall.
Mis en ligne : 17/10/2025
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