Écran de fumée sur la dette : Macky Sall joue-t-il avec le Sénégal ? - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Politique | Par Eva | Publié le 25/10/2025 12:10:00

Écran de fumée sur la dette : Macky Sall joue-t-il avec le Sénégal ?

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L’affaire de la « dette cachée » du Sénégal, portée sur la place publique par l’ancien président Macky Sall, occupe depuis des mois l’espace médiatique et politique. Selon ses avocats, il s’agirait d’une quête de transparence et de justice, visant à éclaircir les zones d’ombre des finances publiques. Pourtant, à y regarder de plus près, cette polémique semble surtout servir à détourner l’attention des Sénégalais des problèmes structurels bien plus graves qui minent le pays : corruption endémique, gestion défaillante des ressources, et priorités économiques mal placées.

Loin d’être une simple question technique, cette affaire apparaît comme un écran de fumée, un prétexte pour occulter les vrais défis du pays.

Depuis la fin du mandat de Macky Sall, les révélations sur l’état réel des finances publiques se multiplient. La Cour des comptes a mis en lumière une dette publique bien plus élevée que celle annoncée, passant de 74,4 % à près de 100 % du PIB en 2023, voire 118 % en 2024 selon le FMI et les agences de notation. Pourtant, l’insistance de l’ancien président à obtenir des documents et à mobiliser des experts internationaux interroge : s’agit-il vraiment de clarifier la situation, ou de brouiller les pistes ?

Le Sénégal, déjà classé dans la « zone rouge » de l’Indice de perception de la corruption avec un score de 45/100 en 2024, fait face à des scandales financiers à répétition. En 2025, près de 300 personnes ont été interpellées et 15 milliards de FCFA saisis dans des affaires de corruption, détournement de fonds et enrichissement illicite. Le secteur public, perçu comme le plus corrompu (93 % des cas), est au cœur de ces dysfonctionnements. Dans ce contexte, la focalisation sur la « dette cachée » apparaît comme une diversion bien commode.

Macky Sall, par la voix de son avocat Pierre-Olivier Sur, affirme vouloir « désamorcer les manipulations » et revenir « à la rigueur des chiffres ». Pourtant, les faits montrent que cette démarche est loin d’être neutre. D’abord, la dette en question environ 7 milliards de dollars correspond en grande partie à des engagements d’entreprises publiques (Senelec, Petrosen, Air Sénégal, etc.), dont la consolidation dans la dette souveraine est une pratique comptable discutable, mais pas illégale. Ensuite, le recours à des experts internationaux, souvent présentés comme des garants de neutralité, soulève des questions : qui les choisit ? Qui les finance ? Leur rôle est-il de valider une thèse préétablie, ou d’éclairer objectivement le débat ?

Surtout, l’impact réel de cette « dette cachée » sur les finances publiques est relativisé par les experts. Le FMI et les agences de notation s’inquiètent davantage de la soutenabilité globale de la dette (132 % du PIB en 2024) et des réformes structurelles nécessaires que de la seule question de sa « dissimulation ». Le vrai problème n’est pas tant la dette elle-même que l’absence de transparence et de contrôle pendant des années, ainsi que l’usage politique qui en est fait aujourd’hui.

Les affaires de corruption (Pétrotim, fonds Covid-19, etc.) ont coûté bien plus cher au Sénégal que la « dette cachée ». En 2025, 15 milliards de FCFA ont été saisis et 300 personnes interpellées dans des dossiers de détournement. Pourtant, ces scandales, qui touchent directement la vie des citoyens, sont relégués au second plan.

Alors que le chômage et la précarité s’aggravent, le débat sur la dette occulte les priorités : santé, éducation, emploi. Les Sénégalais perçoivent une hausse de la corruption (73 % selon Afrobarometer) et une défiance croissante envers les institutions. La « dette cachée » devient ainsi un sujet technique, éloigné des préoccupations quotidiennes.

La démarche de Macky Sall, relayée par des avocats médiatiques et des interviews ciblées, ressemble davantage à une campagne de communication qu’à une quête de vérité. En brandissant la menace de recours juridiques, il polarise le débat et retarde les réformes urgentes.

Les experts internationaux, souvent issus de cabinets privés, dépendent de ceux qui les mandentat. Leur légitimité à trancher un débat aussi sensible est contestable, d’autant que les institutions sénégalaises (Cour des comptes, IGF) ont déjà produit des rapports accablants.

Cette stratégie rappelle d’autres affaires africaines où d’anciens dirigeants ont utilisé des polémiques financières pour se repositionner politiquement, au détriment de la stabilité institutionnelle. Au Mozambique, la révélation d’une dette cachée en 2016 a plongé le pays dans une crise économique et politique durable. Au Sénégal, le risque est similaire : une judiciarisation excessive de la vie politique, où chaque transition devient l’occasion de régler des comptes, plutôt que de construire l’avenir.

La « dette cachée » est un symptôme, pas la maladie. Le vrai défi pour le Sénégal est de restaurer la confiance dans ses institutions, de lutter efficacement contre la corruption, et de recentrer le débat sur les priorités sociales. Plutôt que de s’enliser dans des querelles juridiques et médiatiques, il faut s’attaquer aux racines du mal : transparence, responsabilité, et gestion rigoureuse des ressources publiques.

L’affaire Macky Sall, loin d’être une quête de vérité, apparaît comme une manœuvre pour occulter les échecs du passé et retarder les réformes nécessaires. Les Sénégalais méritent mieux qu’un écran de fumée. Ils méritent des réponses claires sur l’usage de leur argent, et des actions concrètes pour améliorer leur quotidien. La dette, cachée ou non, ne doit pas servir de prétexte pour éviter les vrais combats.

Et vous, pensez-vous que cette polémique serve vraiment l’intérêt général, ou est-elle une diversion de plus dans le jeu politique sénégalais ?

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Ahmet Ba.
Mis en ligne : 25/10/2025

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