Enlevés, tués, oubliés : Le Mali, complice silencieux de la terreur jihadiste - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Afrique | Par Eva | Publié le 30/10/2025 01:10:00

Enlevés, tués, oubliés : Le Mali, complice silencieux de la terreur jihadiste

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Mardi 14 octobre 2025, deux journalistes de l’ORTM, la télévision d’État malienne, étaient enlevés près de Konna, dans la région de Mopti, par des jihadistes du JNIM. Cet événement, loin d’être un cas isolé, s’inscrit dans une longue série d’attaques ciblant les représentants de l’État et les médias, révélant l’incapacité structurelle des autorités maliennes à protéger leurs citoyens et à garantir la sécurité sur leur propre territoire.

Malgré les promesses de renforcement militaire, les discours de souveraineté retrouvée et les budgets colossaux alloués à la défense, la réalité est cruelle : le Mali reste un État spectateur, impuissant face à la montée du jihadisme et à la terreur qu’il impose.

Depuis 2012, le Mali est plongé dans une crise sécuritaire sans précédent, marquée par la progression des groupes jihadistes, notamment le JNIM, lié à Al-Qaïda. Malgré les interventions internationales (Barkhane, MINUSMA) et les alliances régionales (AES), la situation ne cesse de se dégrader. En 2025, le JNIM a revendiqué plus de 240 attaques en cinq mois, soit deux fois plus qu’en 2024, et les forces maliennes, soutenues par des mercenaires russes, sont régulièrement dépassées, voire contraintes à l’abandon de positions stratégiques, comme à Boulkessi en juin 2025.

Les journalistes, symboles de l’État et de la liberté d’expression, sont devenus des cibles privilégiées. Depuis 2020, au moins sept journalistes maliens ont été enlevés, plusieurs sont portés disparus, et d’autres ont été tués. Les autorités, loin de protéger ces professionnels, ont souvent répondu par le silence, l’inaction, voire la répression contre les voix critiques.

Le Mali a alloué plus d’un milliard de dollars à la défense en 2024, et prévoit de recruter 24 000 soldats en 2025. Pourtant, les résultats sont catastrophiques : les camps militaires sont abandonnés, les attaques se multiplient, et les civils, comme les journalistes, restent sans protection. Les opérations conjointes avec les pays de l’AES et les annonces de « montée en puissance » des FAMa ne masquent pas la réalité : l’armée malienne, malgré ses effectifs et son équipement, est incapable de sécuriser le centre du pays, où le JNIM agit en toute impunité.

Face aux enlèvements, l’État malien se tait ou se contente de déclarations creuses. Ni la direction de l’ORTM ni la Maison de la presse n’ont réagi publiquement après l’enlèvement des deux journalistes, par crainte de « compromettre les démarches pour leur libération ». Pire, la junte au pouvoir a systématiquement réprimé les médias et la société civile, dissous des associations, et fait disparaître des opposants, créant un climat de peur et d’autocensure. Plutôt que de protéger les journalistes, l’État les expose et les criminalise.

En laissant les jihadistes agir sans réponse efficace, l’État malien devient complice de leur entreprise. Les forces de sécurité, souvent accusées d’exactions contre les civils, alimentent la défiance des populations locales, qui se tournent parfois vers les groupes armés pour obtenir une protection minimale. Cette impuissance, doublée d’une répression aveugle, ne fait qu’aggraver l’insécurité et légitimer l’action des terroristes.

Malgré les budgets et les recrutements massifs, les FAMa ne contrôlent plus que partiellement le territoire. Les jihadistes, eux, étendent leur influence, même dans des zones autrefois épargnées.

Aucun mécanisme de protection n’est mis en place pour les professionnels des médias, pourtant en première ligne. Les enlèvements et les assassinats se succèdent, sans enquête ni justice.

Au lieu de garantir la sécurité, l’État malien muselle la presse et la société civile, aggravant la crise démocratique et affaiblissant les dernières voix critiques.

Les annonces de création d’une industrie militaire ou de recrutements massifs ne suffisent pas à masquer l’incapacité à sécuriser le pays. Les partenariats avec la Russie et les pays de l’AES n’ont pas inversé la tendance, bien au contraire.

La situation malienne rappelle celle de l’Irak ou de la Syrie, où l’effondrement de l’autorité centrale a laissé le champ libre aux groupes armés. Comme en Irak après 2003, ou en Syrie après 2011, le Mali voit ses institutions s’effriter, ses forces de sécurité se fragmenter, et ses citoyens livrés à la violence. Pourtant, contrairement à ces pays, le Mali bénéficie encore d’un soutien international et de ressources financières. Mais à quoi servent-elles, si l’État est incapable de les transformer en sécurité réelle ?

L’enlèvement des deux journalistes de l’ORTM est le symbole d’un Mali où l’État a renoncé à protéger ses citoyens. Malgré les discours, les budgets et les alliances, la junte au pouvoir a échoué à sécuriser le pays, à garantir la liberté de la presse, et à rétablir la confiance. Pire, elle a contribué à aggraver la crise en réprimant les dernières voix critiques et en laissant les jihadistes dicter leur loi.

Le Mali n’est plus seulement un État en crise : c’est un État spectateur, impuissant face à la montée du jihadisme, complice par son inaction, et responsable de l’abandon de ceux qui devraient être ses premiers protégés. Tant que Bamako ne rompra pas avec cette logique de l’échec, les journalistes, comme tous les Maliens, resteront des cibles, et le pays continuera de sombrer.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Tidiane Cissé.
Mis en ligne : 30/10/2025

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