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L’actualité récente nous rapporte un fait marquant : plusieurs hôtels de Dakar ont refusé d’accueillir une conférence de presse organisée par les avocats de l’ancien président Macky Sall, invoquant des craintes de représailles dans le contexte tendu de la polémique autour de la « dette cachée ». Si certains y voient une restriction à la liberté d’expression, pour moi, c’est une décision pragmatique, voire responsable. Dans un climat politique aussi électrique, la neutralité et la protection de son activité économique ne sont pas des actes de lâcheté, mais de sagesse. Les hôtels dakarois, en agissant ainsi, ont fait preuve d’une lucidité exemplaire, privilégiant la pérennité de leur entreprise et la sécurité de leurs clients.
Le Sénégal traverse une période de tensions sans précédent. L’affaire de la « dette cachée », estimée à près de 7 milliards de dollars, divise le pays. Macky Sall, par la voix de ses avocats, conteste vigoureusement ces allégations, exigeant la publication des rapports d’audit et la transparence des institutions financières. Le FMI a confirmé l’existence de cette dette, ravive les passions et alimente les accusations croisées entre l’ancien et l’actuel régime. Dans ce contexte, toute prise de position publique, même indirecte, peut exposer une entreprise à des risques majeurs : pressions politiques, boycott, voire sanctions arbitraires. Les hôtels, lieux par excellence de rencontre et d’échange, se retrouvent en première ligne, tiraillés entre leur rôle d’espace neutre et la nécessité de se prémunir contre les turbulences politiques.
Refuser d’accueillir un événement politique dans un tel contexte n’est pas un acte de censure, mais une mesure de protection légitime. Les établissements hôteliers sont des acteurs économiques majeurs, employant des centaines de personnes et contribuant au dynamisme touristique et commercial de Dakar. Leur responsabilité première est de garantir la stabilité de leur activité et la sécurité de leurs clients et employés. En temps de crise, la prudence n’est pas un renoncement, mais une stratégie de survie.
Les exemples internationaux abondent : dans des pays comme la Turquie, le Venezuela ou même la France lors des gilets jaunes, de nombreux hôtels et salles de conférence ont dû refuser des événements politiques pour éviter d’être instrumentalisés ou ciblés. À Hong Kong, pendant les manifestations pro-démocratie, plusieurs palaces ont fermé leurs portes aux rassemblements, par crainte de représailles ou de dégradations. Ces décisions, souvent critiquées, ont permis à ces établissements de traverser la crise sans dommage majeur.
Au Sénégal, où la liberté d’expression est régulièrement mise à l’épreuve et où les pressions sur les entreprises privées se multiplient, le choix des hôtels dakarois s’inscrit dans cette logique de préservation. Il ne s’agit pas de prendre parti, mais de ne pas devenir otage d’un conflit qui les dépasse.
Un hôtel qui accueille un événement clivant s’expose à des représailles de toutes parts boycott des clients, pressions administratives, voire violences. Dans un secteur déjà fragilisé par la crise économique, un tel risque est insupportable. La priorité est de maintenir l’emploi et la rentabilité, pas de servir de tribune à un débat politique.
Les hôtels sont des espaces de service, pas des arènes politiques. Leur rôle est d’offrir un cadre accueillant et sécurisé, pas de trancher des controverses nationales. En refusant de s’impliquer, ils préservent leur image et leur crédibilité auprès de l’ensemble de leur clientèle, quelles que soient ses convictions.
En France comme au Sénégal, la loi interdit les refus de service discriminatoires, mais elle autorise et même encourage les établissements à refuser des événements susceptibles de troubler l’ordre public ou de nuire à leur réputation. La jurisprudence internationale confirme que la sécurité et la stabilité priment sur l’ouverture à tous les débats.
Au Sénégal, la presse privée est déjà étranglée par des pressions étatiques, des blocages de comptes bancaires et des ruptures de contrats publicitaires. Les médias qui ont pris parti dans des affaires sensibles ont souvent payé le prix fort. Pourquoi les hôtels prendraient-ils des risques que même les médias évitent ?
Dans de nombreux pays, les hôtels adoptent une politique de neutralité stricte en période de crise. Aux États-Unis, lors des élections présidentielles, de grands groupes hôteliers refusent systématiquement d’accueillir des meetings partisans pour éviter toute polarisation. En Asie, lors des tensions entre Chine et Taïwan, les établissements de Hong Kong et Singapour ont adopté la même ligne. Ces choix, loin d’être critiqués, sont salués comme des gages de professionnalisme.
À Dakar, où le tourisme et les affaires internationales jouent un rôle clé, une telle neutralité est d’autant plus justifiée. Les investisseurs étrangers, les hommes d’affaires et les touristes recherchent des lieux apaisés, pas des zones de conflit. En refusant de s’engager dans la polémique, les hôtels protègent aussi l’attractivité de la ville.
Les hôtels de Dakar ont fait un choix courageux : celui de la raison face à la passion, de la prudence face à l’aventure. Leur décision n’est pas une trahison, mais un acte de responsabilité. Dans un pays où les tensions politiques menacent la stabilité économique, leur neutralité est un rempart contre l’escalade.
Plutôt que de les critiquer, il faut les soutenir. Leur rôle n’est pas de trancher les débats, mais de rester des havres de paix et de professionnalisme. En ces temps troublés, leur sagesse mérite d’être saluée et imitée.
Jusqu’où iront les pressions sur le secteur privé ? La réponse dépendra de la capacité des autorités à garantir un climat apaisé, où les entreprises peuvent exercer leur activité sans crainte. En attendant, bravo aux hôtels dakarois pour leur lucidité.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Ismaïla Gueye.
Mis en ligne : 05/11/2025
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