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L’intervention récente d’Abdourahmane Diouf, ministre de l’Environnement et président du parti Awalé, dans l’émission En Vérité a suscité de vives réactions. L’homme politique y a plaidé pour une réconciliation nationale et mis en garde contre une prétendue « justice des vainqueurs », appelant le président Bassirou Diomaye Faye à « prendre ses responsabilités ». Si ses intentions semblent nobles, sa démarche est malheureusement contre-productive. En confondant son rôle de ministre avec celui de chef de parti, Diouf affaiblit les institutions qu’il est censé servir et manque de respect à la fois au chef de l’État et à la justice. Une analyse s’impose : comment un discours bien intentionné peut-il, en réalité, aggraver les tensions qu’il prétend apaiser ?
Le Sénégal traverse une période charnière, marquée par une alternance politique récente et des attentes fortes en matière de justice et de cohésion sociale. Après des années de divisions, une partie de la classe politique, dont Diouf, appelle à tourner la page.
Pourtant, ces appels à l’apaisement interviennent dans un contexte où la justice sénégalaise, souvent critiquée par le passé pour sa lenteur ou son manque d’indépendance, tente de se réformer. Les citoyens, eux, réclament à la fois la fin de l’impunité et le retour de la stabilité. C’est dans ce climat que les propos de Diouf résonnent comme un faux pas : au lieu de rassurer, ils alimentent les suspicions et brouillent les lignes entre engagement partisan et devoir gouvernemental.
En tant que ministre, Abdourahmane Diouf a pour mission de soutenir l’action publique, pas de la contester publiquement. Or, en s’exprimant comme il l’a fait, il a outrepassé ses prérogatives. Demander au président de la République de « prendre ses responsabilités » en direct à la télévision n’est pas une marque de collaboration, mais une forme d’ingérence. Bassirou Diomaye Faye, élu pour incarner l’unité nationale, n’a pas besoin qu’un membre de son gouvernement lui rappelle son rôle, surtout de manière publique et péremptoire. Un ministre se doit de conseiller en interne, pas de donner des leçons en pleine lumière. Cette sortie médiatique, aussi sincère soit-elle, relève davantage du coup politique que de la démarche constructive.
De plus, Diouf semble oublier qu’il porte deux casquettes : celle de ministre et celle de leader d’Awalé. En mélangeant les genres, il perd en crédibilité. Son discours, censé rassembler, apparaît comme un calcul partisan, d’autant plus que son parti n’a pas toujours été exemplaire en matière de dialogue et de transparence. Quand un responsable gouvernemental parle en chef de parti, il ne contribue pas à la réconciliation ; il ajoute à la confusion.
Le plus problématique dans les propos de Diouf reste son attitude envers la justice. En évoquant une « justice des vainqueurs », il sous-entend que les poursuites judiciaires en cours seraient motivées par des considérations politiques. Pourtant, aucune preuve ne vient étayer cette accusation. Les affaires actuellement instruites suivent des procédures légales, comme le démontrent les dossiers en cours, qu’ils concernent l’ancien régime ou d’autres acteurs. Remettre en cause l’impartialité des magistrats sans fondement concret, c’est sapper la confiance dans une institution déjà fragile.
Pire, cette rhétorique risque d’encourager l’impunité. Si la justice est perçue comme un outil aux mains du pouvoir, comment les citoyens peuvent-ils encore croire en son indépendance ? Diouf, en tant que ministre, devrait être le premier à défendre l’État de droit, pas à semer le doute sur son fonctionnement. Son intervention, loin d’apaiser, pourrait au contraire exacerber les tensions, en donnant l’impression que certains cherchent à échapper à leurs responsabilités sous couvert de réconciliation.
L’histoire récente de l’Afrique de l’Ouest offre des exemples édifiants. Au Burkina Faso ou en Côte d’Ivoire, des appels prématurés à l’unité nationale, sans justice transitionnelle ni comptes rendus clairs, ont souvent conduit à des rechutes dans la violence. À l’inverse, des pays comme l’Afrique du Sud ont montré que la réconciliation ne peut se construire que sur la vérité et la responsabilité. Diouf aurait pu s’inspirer de ces modèles pour proposer des solutions concrètes, une commission vérité, des réformes judiciaires, plutôt que de lancer des avertissements vagues et contre-productifs.
Si Abdourahmane Diouf veut vraiment servir son pays, il doit clarifier son positionnement. En tant que ministre, son devoir est de soutenir les institutions, pas de les critiquer. S’il souhaite contribuer à la réconciliation, qu’il le fasse par des actes : en promouvant des réformes, en encourageant le dialogue entre tous les acteurs, et en évitant les déclarations qui divisent plus qu’elles n’unissent.
La réconciliation nationale ne se décrète pas ; elle se construit par des gestes concrets et un respect scrupuleux des règles démocratiques. En cela, Diouf a manqué une occasion de montrer l’exemple. Au lieu de jouer les arbitres moraux, il ferait mieux de se concentrer sur son ministère et de laisser la justice faire son travail, sans pression ni suspicion.
Les intentions d’Abdourahmane Diouf sont peut-être louables, mais sa méthode est dangereuse. En confondant engagement partisan et devoir gouvernemental, en manquant de respect au président et à la justice, il a commis une erreur de jugement. Le Sénégal a besoin de responsables qui agissent avec mesure et humilité, pas de ceux qui, sous couvert de bonne foi, affaiblissent les institutions qu’ils sont censés servir. Pour avancer, le pays a besoin de moins de discours et de plus d’actions, des actions qui renforcent la confiance, plutôt que de l’éroder.
La leçon est claire : en politique, la bienveillance ne doit jamais se substituer à la rigueur. Sinon, c’est l’ensemble du système qui en pâtit.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Malamine G.
Mis en ligne : 06/11/2025
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