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Le Gouverneur de Dakar, Ousmane Kane, a récemment annoncé une mesure visant à retirer les épaves et véhicules en stationnement prolongé des voies publiques d’ici le 11 novembre 2025. Dans un communiqué, il justifie cette décision par la nécessité de « libérer la circulation », de préserver la salubrité publique et d’assurer la sécurité collective. Si l’intention peut sembler louable, une analyse plus poussée révèle une opération de communication bien plus qu’une réelle volonté de résoudre les problèmes structurels de la capitale sénégalaise.
Dakar étouffe sous le poids d’une urbanisation anarchique, d’un stationnement sauvage généralisé et d’une insalubrité chronique. Les artères emblématiques, comme l’avenue Mamadou Dia, sont devenues des « ghettos » où commerce informel, stationnement illégal et déchets s’entassent sans contrôle. Les rares espaces de stationnement sont accaparés par des laveurs de voitures ou des parkings improvisés, transformant chaque trajet en parcours du combattant pour les automobilistes.
Pourtant, les épaves ne sont qu’un symptôme parmi d’autres d’une gestion urbaine défaillante. La crise du stationnement, exacerbée par une motorisation galopante et un manque criant de parkings organisés, est le résultat d’années de négligence et d’absence de planification. Les experts s’accordent à dire que la saturation des parkings et l’encombrement des trottoirs sont les conséquences directes d’une gouvernance éclatée et d’un manque de vision à long terme.
Cibler les épaves, c’est choisir la cible la plus visible et la moins coûteuse politiquement. Pourtant, ces véhicules abandonnés ne sont pas les principaux responsables de l’asphyxie de Dakar. Les véhicules de luxe stationnés illégalement sur les trottoirs, les taxis « clandos » et les minibus informels qui obstruent les axes routiers, ou encore les chantiers et commerces envahissants, sont tout aussi, sinon plus, problématiques. Pourquoi ne pas s’attaquer à ces fléaux ? La réponse est simple : les épaves sont des boucs émissaires faciles. Elles ne appartiennent souvent à personne d’influent, et leur enlèvement ne risque pas de froisser les intérêts économiques ou politiques en place.
De plus, la question des moyens logistiques et financiers se pose. L’administration a-t-elle les ressources nécessaires pour enlever, stocker et recycler des milliers de véhicules ? Les expériences similaires en France montrent que l’enlèvement des épaves est un processus complexe, coûteux et semé d’embûches juridiques et environnementales. À Dakar, où la gestion des déchets est déjà en crise, avec des entreprises de nettoiement en grève pour impayés, comment croire que cette opération sera menée à bien ? Les promesses de « salubrité » et de « sécurité » sonnent creux lorsque les services publics peinent à assurer les missions les plus élémentaires.
Le Gouverneur appelle au « civisme » et à la « responsabilité » des citoyens, mais où est la responsabilité de l’État ? Pourquoi ne pas avoir investi dans des parkings publics, des centres de recyclage ou des alternatives de mobilité durable ? Pourquoi ne pas avoir sanctionné les véritables responsables de l’encombrement : les promoteurs immobiliers qui grignotent les espaces publics, les transporteurs informels qui dictent leur loi, ou les élus qui ferment les yeux sur les infractions ?
En France, l’enlèvement des épaves est encadré par des procédures strictes et des centres agréés, avec des coûts et des délais souvent prohibitifs. À Dakar, où les infrastructures manquent cruellement, cette mesure risque de se transformer en un nouveau gaspillage de ressources, ou pire, en une opération de nettoyage superficiel qui déplacera simplement le problème vers les périphéries déjà saturées.
La décision du Gouverneur Ousmane Kane relève davantage de l’effet d’annonce que d’une réelle volonté de changement. Plutôt que de s’attaquer aux causes profondes de l’anarchie urbaine, on préfère donner l’illusion d’agir en ciblant les symptômes les plus visibles. Dakar mérite mieux qu’une politique de façade. Il faut passer des communiqués aux actes, et mettre en place des solutions durables pour une ville plus vivable, plus juste et mieux organisée. En attendant, les épaves partiront peut-être, mais le chaos, lui, restera.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Moussa Ba.
Mis en ligne : 08/11/2025
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