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L’opération policière menée à Rio de Janeiro le 28 octobre 2025, qui a fait au moins 119 morts en une seule journée, a été présentée par le gouverneur Claudio Castro comme un « succès » contre le narcotrafic. Pourtant, derrière les chiffres macabres et les discours triomphalistes, se cache une réalité bien plus sombre : celle d’une guerre contre la drogue devenue un business lucratif pour les élites politiques, les entreprises de sécurité et les cartels eux-mêmes. Alors que les favelas s’enfoncent dans la misère et la violence, les budgets alloués à la répression explosent, sans jamais résoudre le problème. Le Brésil, comme d’autres pays d’Amérique latine, semble prisonnier d’un cycle infernal : plus la répression est brutale, plus les cartels s’enrichissent, et plus les populations pauvres paient le prix fort.
Depuis des décennies, le Brésil mène une guerre contre la drogue inspirée du modèle américain, la fameuse « war on drugs ». Pourtant, les résultats sont accablants : en 2024, près de 700 personnes sont mortes lors d’interventions policières à Rio, soit presque deux par jour. Les opérations comme celle du 28 octobre, mobilisant 2 500 policiers, des hélicoptères, des blindés et des véhicules de démolition, coûtent des millions de réaux, mais ne font qu’aggraver la violence. Les cartels, loin d’être affaiblis, se reconstituent rapidement, tandis que les favelas restent privées d’écoles, d’hôpitaux et d’infrastructures de base.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : entre 2020 et 2024, environ 52 milliards de réaux (8,3 milliards d’euros) de flux suspects ont transité par des fintechs brésiliennes, souvent liées au blanchiment d’argent des cartels. Les « milices » de Rio, composées d’anciens policiers ou de policiers en activité, monétisent leur contrôle territorial en rackettant les habitants pour des « services » de protection ou de transport. Pendant ce temps, les entreprises de sécurité privée et les fabricants d’armes prospèrent, tandis que les budgets publics consacrés à la prévention et à la réinsertion restent dérisoires.
Les contrats publics pour l’achat d’équipements militaires, les budgets alloués aux opérations policières et les financements des campagnes électorales par des acteurs troubles sont autant de sources de profit. Les politiques, qu’ils soient de droite ou de gauche, préfèrent brandir le spectre de la sécurité plutôt que de s’attaquer aux causes structurelles de la violence.
La répression ne fait qu’augmenter la valeur de la drogue et renforcer le pouvoir des groupes criminels. Les cartels, comme le Comando Vermelho ou le PCC, fonctionnent comme des entreprises franchisées, diversifiant leurs activités (blanchiment, extorsion, trafic d’armes) et corrompant les institutions.
Depuis les années 1970, les États-Unis ont dépensé des milliards de dollars pour exporter leur « guerre contre la drogue » en Amérique latine, sans résultat probant. Au contraire, la consommation et la production de drogue n’ont jamais été aussi élevées, et la violence a explosé. Le Brésil, en adoptant ce modèle, reproduit les mêmes erreurs : une répression coûteuse et inefficace, qui ne fait qu’alimenter le cycle de la violence.
En Colombie, le président Gustavo Petro a reconnu l’échec de la guerre contre la drogue et tente de mettre en place des politiques de régulation et d’intégration des cultivateurs. Pourtant, sous la pression des États-Unis, le pays reste coincé entre deux modèles : celui de la répression, qui a fait des centaines de milliers de morts, et celui de la légalisation, encore timide. Au Mexique, la militarisation de la lutte antidrogue a conduit à une spirale de violence sans précédent, avec plus de 300 000 morts depuis 2006. Partout en Amérique latine, la « guerre contre la drogue » a servi de prétexte à la militarisation des sociétés, au profit des élites et des entreprises de sécurité.
La tragédie de Rio n’est pas une exception, mais la norme d’un système qui préfère la répression à la justice sociale. Les 119 morts du 28 octobre 2025 ne sont que les dernières victimes d’une guerre qui n’a jamais été conçue pour protéger les populations, mais pour enrichir une minorité. Tant que le Brésil et l’Amérique latine continueront à dépenser dix fois plus pour la répression que pour la prévention, tant que les cartels et les milices pourront corrompre les institutions en toute impunité, la violence ne fera qu’empirer.
Il faut cesser de croire que la guerre contre la drogue est une solution. Elle n’est qu’un business macabre, où les seuls perdants sont les pauvres.
Pourquoi ne pas investir massivement dans la prévention, la réinsertion et la légalisation contrôlée, comme le font avec succès le Portugal ou certains États américains ? La réponse est simple : parce que cela ne rapporte pas assez. La guerre contre la drogue est avant tout une guerre contre les pauvres, et un business trop juteux pour être abandonné.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Moussa Gueye.
Mis en ligne : 09/11/2025
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