Atteinte à la sûreté de l’État : Un chef d’accusation galvaudé ? - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Politique | Par Eva | Publié le 10/11/2025 12:11:00

Atteinte à la sûreté de l’État : Un chef d’accusation galvaudé ?

Les opinions exprimées dans cet article sont celles d’un contributeur externe. NotreContinent.com est une plateforme qui encourage la libre expression, la diversité des opinions et les débats respectueux, conformément à notre charte éditoriale « Sur NotreContinent.com chacun est invité à publier ses idées »

L’affaire Pape Malick Ndour, responsable des cadres de l’Alliance pour la République (APR), a récemment défrayé la chronique. Après deux convocations à la Section de recherches (SR) pour des chefs d’accusation aussi lourds qu’« atteinte à la sûreté de l’État » et « discours de nature à troubler l’ordre public », il a été libéré sans qu’aucune charge ne soit retenue contre lui. Si les faits rapportés par la presse soulignent la gravité des accusations initiales, leur issue interroge : et si ce chef d’accusation, souvent brandi comme une épée de Damoclès, n’était plus qu’un outil de manipulation politique, vidé de sa substance juridique dès qu’il s’agit de proches du pouvoir ?

Au Sénégal, l’article 80 du Code pénal, qui réprime les actes portant atteinte à la sûreté de l’État, est régulièrement invoqué dans des affaires politiquement sensibles. Pape Malick Ndour a été convoqué, placé en garde à vue, puis libéré après des auditions où les enquêteurs ont finalement estimé qu’aucune poursuite n’était justifiée. Cette affaire s’inscrit dans un climat politique tendu, où la liberté d’expression et la responsabilité publique sont au cœur des débats. Les observateurs notent que l’usage de ce chef d’accusation est souvent sélectif, visant davantage à intimider qu’à condamner, surtout quand il s’agit de figures politiques influentes.

L’audition de Pape Malick Ndour a révélé plusieurs incohérences. D’abord, la rapidité avec laquelle les charges ont été abandonnées, malgré leur gravité initiale, pose question. Ensuite, la convocation elle-même, suivie d’une libération sans explication claire, laisse planer le doute sur les motivations réelles des autorités. Selon plusieurs sources, la décision de lever la garde à vue aurait été prise « au plus haut sommet de l’État », ce qui renforce l’idée d’une instrumentalisation politique de la justice.

Les avocats de Pape Malick Ndour ont dénoncé une « interprétation malveillante » de ses propos, soulignant que ses déclarations, bien que vives, relevaient du débat politique et non d’une incitation à la rébellion. Cette affaire rappelle d’autres cas, comme celui d’Ousmane Sonko ou de Pape Alé Niang, où l’accusation d’« atteinte à la sûreté de l’État » a été utilisée pour museler l’opposition, avant d’être abandonnée ou requalifiée, faute de preuves solides.

L’article 80 du Code pénal est souvent invoqué pour son effet dissuasif, mais rarement suivi de condamnations. Dans le cas de Pape Malick Ndour, comme pour d’autres responsables politiques, la garde à vue et la médiatisation de l’affaire suffisent à envoyer un message : toute critique trop vive sera sanctionnée, même si la justice ne retient finalement rien.

Les opposants politiques, comme Ousmane Sonko, ont souvent été poursuivis et condamnés pour des faits similaires, tandis que les proches du pouvoir bénéficient de libérations rapides et de non-lieux. Cette sélectivité affaiblit la crédibilité des institutions et nourrit le sentiment d’une justice partiale.

En utilisant ce chef d’accusation de manière systématique, les autorités risquent de réduire l’espace du débat public. Les citoyens et les acteurs politiques pourraient s’autocensurer par crainte de représailles, ce qui est contraire à l’esprit d’une démocratie apaisée.

Cette pratique n’est pas isolée. Aux États-Unis, par exemple, l’accusation de « menace à la sécurité nationale » a parfois été utilisée de manière controversée, notamment contre des opposants ou des lanceurs d’alerte, avant d’être abandonnée ou requalifiée. En France, des affaires similaires ont montré comment des chefs d’accusation lourds peuvent être instrumentalisés pour des raisons politiques, avant que la justice ne les écarte.

L’affaire Pape Malick Ndour illustre une tendance préoccupante : l’usage abusif et sélectif du chef d’accusation d’« atteinte à la sûreté de l’État ». Si la loi doit protéger les institutions, elle ne saurait servir d’outil d’intimidation ou de régulation politique. Pour préserver la confiance dans la justice et garantir un débat démocratique serein, il est urgent de clarifier les critères d’application de cet article. La démocratie sénégalaise mérite mieux qu’une justice aux ordres, où les accusations graves ne sont que des épouvantails brandis au gré des convenances politiques.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Moussa Fall.
Mis en ligne : 10/11/2025

La plateforme NOTRECONTINENT.COM permet à tous de diffuser gratuitement et librement les informations et opinions provenant des citoyens. Les particuliers, associations, ONG ou professionnels peuvent créer un compte et publier leurs articles Cliquez-ici.


Réagir à cet article

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

0 commentaires

Réagir à cet article

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

0 commentaires

Copyright © 2023 www.notrecontinent.com

To Top