Idrissa Seck et les autres : Les maîtres de la transhumance politique - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Politique | Par Eva | Publié le 12/11/2025 03:11:30

Idrissa Seck et les autres : Les maîtres de la transhumance politique

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Un article récent a mis en lumière un phénomène récurrent et préoccupant de la vie politique sénégalaise : la transhumance politique, c’est-à-dire le passage fréquent d’hommes et de femmes politiques d’un parti à un autre, souvent guidé par des intérêts personnels plutôt que par des convictions. À travers les exemples d’Idrissa Seck, d’Aly Ngouille Ndiaye ou encore d’Ousmane Ngom, on découvre une classe politique où la loyauté est punie et l’opportunisme récompensé. Ce constat est d’autant plus alarmant qu’il révèle une absence de projet commun et une réduction de la politique à une simple quête de pouvoir.

La transhumance politique n’est pas nouvelle au Sénégal, mais elle a pris une ampleur inédite ces dernières années. Sous le mandat de Macky Sall, puis lors de la transition vers le nouveau pouvoir de Bassirou Diomaye Faye, des dizaines de responsables politiques ont changé de camp, parfois à plusieurs reprises, au gré des opportunités.

Idrissa Seck, tour à tour allié et adversaire de Macky Sall, en est l’archétype : après avoir rejoint la majorité présidentielle en 2020, il l’a quittée pour se présenter contre le candidat du pouvoir en 2024, avant de voir son parti s’allier à d’anciens rivaux pour les législatives de novembre 2024. Ces retournements, loin d’être anecdotiques, illustrent une crise de confiance dans la parole politique et une banalisation du reniement.

La situation est telle que même des figures emblématiques du régime précédent, comme Aly Ngouille Ndiaye, ont fini par quitter le navire, déçus de ne pas avoir été désignés pour des postes clés. Pire, certains transhumants, après avoir dénoncé la transhumance lorsqu’ils étaient dans l’opposition, l’ont pratiquée une fois au pouvoir, à l’image d’Ousmane Sonko, aujourd’hui Premier ministre, dont le parti a accueilli d’anciens cadres de l’APR, suscitant l’incompréhension et la colère des militants de base.

La transhumance n’est pas seulement une question de morale : elle est le symptôme d’un système politique où les convictions comptent moins que les intérêts. Quand un député ou un ministre change de camp sans état d’âme, il envoie un message clair aux électeurs : les idéaux sont négociables, seuls les postes importent. Cette pratique, loin d’être marginale, est devenue la norme. Elle reflète un malaise profond dans notre classe politique, où la parole donnée n’a plus de valeur.

Le cas d’Aminata Touré, exclue pour avoir défendu la Constitution, ou celui d’Abdoul Mbaye, limogé sans explication, montrent que la fidélité est souvent sanctionnée, tandis que les ralliements de dernière minute sont accueillis à bras ouverts. Ce fonctionnement pervertit la démocratie : comment construire une alternative crédible quand les leaders politiques sont prêts à tout pour conserver leur place ?

Les citoyens, eux, paient le prix fort. La transhumance décrédibilise les partis et démobilise les électeurs, qui ne savent plus à qui se fier. Elle transforme la vie publique en un jeu de chaises musicales, où les enjeux de société passent après les calculs personnels.

Quand les alliances se font et se défont au gré des opportunités, les programmes politiques perdent tout sens. Les électeurs votent pour des individus, non pour des projets. Résultat : les promesses électorales sont rarement tenues, et les attentes des citoyens, rarement satisfaites. La multiplication des transhumances sape la confiance dans les institutions. Comment croire en la parole d’un responsable politique quand on sait qu’il peut changer de camp du jour au lendemain ? Cette défiance est d’autant plus grave qu’elle touche une jeunesse déjà désillusionnée par la classe dirigeante.

Face à cette dérive, les Sénégalais ont un rôle à jouer. Sanctionner la transhumance par les urnes est le seul moyen de redonner du sens à l’engagement politique. Les partis doivent aussi instaurer des règles éthiques : déchéance de mandat pour les élus qui changent de camp, transparence sur les motivations des ralliements, etc. Certains pays africains ont déjà adopté des mesures en ce sens, pourquoi pas le Sénégal ?

La transhumance politique existe ailleurs en Afrique, mais elle y est souvent mieux encadrée. En Côte d’Ivoire, par exemple, un député qui quitte son parti perd automatiquement son siège. Au Sénégal, en revanche, l’absence de garde-fous permet à ce phénomène de prospérer, au détriment de la stabilité politique.

La valse des alliances au Sénégal n’est pas une fatalité. Elle est le résultat d’un système qui tolère, voire encourage, l’opportunisme. Pour y mettre fin, il faut des règles claires : sanctionner les transhumances abusives, une exigence citoyenne : refuser de voter pour ceux qui trahissent leurs engagements, et un sursaut éthique : redonner à la politique sa noblesse, en plaçant l’intérêt général au-dessus des ambitions personnelles.

La démocratie sénégalaise mérite mieux qu’une lutte pour les postes. Elle mérite des dirigeants intègres, cohérents et responsables. Aux électeurs de faire entendre leur voix ; aux partis, de montrer l’exemple. Le moment est venu de rompre avec cette culture de la trahison et de rebâtir une politique de conviction. La balle est dans le camp des Sénégalais.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Samba G.
Mis en ligne : 12/11/2025

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