Les opinions exprimées dans cet article sont celles d’un contributeur externe. NotreContinent.com est une plateforme qui encourage la libre expression, la diversité des opinions et les débats respectueux, conformément à notre charte éditoriale « Sur NotreContinent.com chacun est invité à publier ses idées »
Dans une tribune intitulée « Constater, Proposer, Avertir », El Hadji Ndiaye, PDG de 2STV et porte-parole du mouvement « Sénégal Demain », a lancé un ultimatum de 100 jours au gouvernement de Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko. Il y dresse un tableau alarmiste de l’immobilisme national, propose cinq mesures pour relancer le pays, et menace d’engager des « actions politiques démocratiques » si ses exigences ne sont pas satisfaites.
Derrière ce discours volontariste se cache une posture pour le moins ambiguë : celle d’un homme qui, depuis sa tribune médiatique, s’érige en juge de la gestion publique, sans jamais avoir gouverné ni proposé de solutions concrètes en dehors de ses déclarations.
Le Sénégal traverse effectivement une période de tensions, marquée par des défis économiques, une jeunesse en quête d’emploi et une classe politique souvent divisée. El Hadji Ndiaye n’a pas tort de souligner certains blocages. Pourtant, son diagnostic pèche par son manque de nuance et son mépris pour les réalités du pouvoir. Il critique l’absence de plan stratégique, mais son propre mouvement, « Sénégal Demain », reste flou sur ses moyens d’action et ses réalisations passées. Pire, ses propositions un Plan d’Urgence Économique National, un programme pour l’emploi des jeunes, ou encore un dialogue national sonnent comme des slogans creux, déjà entendus dans la bouche de nombreux opposants ou experts, sans jamais être suivis d’effets concrets.
Salimata Dieng, adjointe secrétaire générale de la Jeunesse Patriotique Sénégalaise (JPS), a récemment recadré El Hadji Ndiaye en rappelant que sa propre entreprise, Origines SA, est en déclin depuis des années, avec des arriérés de salaire et des contrats précaires. « Avant de réclamer à l’État un plan d’urgence économique, commencez par l’appliquer à votre entreprise », lui a-t-elle lancé, citant l’adage wolof « Baay si saay hoom » (« la charité bien ordonnée commence par soi-même »). Cette critique résume à elle seule l’incohérence du personnage : comment peut-on exiger de l’État ce qu’on est incapable de mettre en œuvre dans son propre périmètre ?
De plus, ses cinq propositions, bien que séduisantes sur le papier, manquent cruellement de détails opérationnels. Un Plan d’Urgence Économique National ? Aucune étude sérieuse n’en précise les contours. Un programme pour l’emploi des jeunes ? Aucune feuille de route crédible n’est présentée. Un dialogue national ? La méthode de concertation sous Abdou Diouf, qu’il cite en exemple, suppose une neutralité et une légitimité que son mouvement ne possède pas. Son ultimatum de 100 jours ressemble davantage à une opération de communication qu’à une véritable feuille de route politique.
El Hadji Ndiaye n’est pas un novice en politique. Ancien proche du pouvoir sous Macky Sall, il connaît les rouages de l’État. Pourtant, il préfère jouer les tribuns plutôt que de s’engager dans l’arène politique avec des propositions réalistes. Son mouvement, « Sénégal Demain », n’a jamais présenté de programme économique détaillé, ni de bilan tangible. Ses interventions publiques se limitent à des constats alarmistes et à des appels à la responsabilité… des autres. Cette stratégie n’est pas sans rappeler celle d’autres figures médiatiques qui, faute de projets concrets, misent sur la critique facile pour exister dans le débat public.
L’histoire politique du Sénégal regorge d’exemples d’ultimatums et de menaces qui n’ont abouti qu’à des impasses. Les transitions tumultueuses au Mali, au Burkina Faso ou au Niger, qu’il cite comme des avertissements, devraient plutôt l’inciter à la prudence. Ces pays ont basculé dans l’instabilité précisément parce que des acteurs politiques ont préféré la surenchère à la construction de solutions durables. Le Sénégal, souvent cité comme un modèle de démocratie en Afrique de l’Ouest, ne peut se permettre de reproduire ces erreurs. La stabilité du pays repose sur le dialogue et la responsabilité collective, pas sur des ultimatums lancés depuis les plateaux télévisés.
El Hadji Ndiaye a le droit de critiquer, mais il perd en crédibilité en exigeant des comptes sans en rendre lui-même. Son ultimatum, plus médiatique que politique, révèle une stratégie de positionnement personnel plutôt qu’une volonté réelle de contribuer à la résolution des crises. Le Sénégal a besoin de propositions sérieuses, pas de postures. Si « Sénégal Demain » veut être pris au sérieux, il doit d’abord prouver sa capacité à agir, et non se contenter de donner des leçons depuis les colonnes de son journal ou les écrans de sa chaîne.
En définitive, la question reste entière : pourquoi un homme qui n’a jamais gouverné s’érige-t-il en juge suprême de la gestion publique ? La réponse est simple : parce que dans un pays en quête de repères, la critique facile paie toujours plus que l’engagement responsable.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Abdoulaye Seck.
Mis en ligne : 05/12/2025
—
La plateforme NOTRECONTINENT.COM permet à tous de diffuser gratuitement et librement les informations et opinions provenant des citoyens. Les particuliers, associations, ONG ou professionnels peuvent créer un compte et publier leurs articles Cliquez-ici.





