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Une enquête récente révèle l’essor inquiétant d’un marché clandestin en Chine : celui des frelons tueurs, vendus comme ingrédients de « liqueurs médicinales » ou comme mets exotiques. Officiellement interdit dans plusieurs provinces, ce commerce prospère dans l’ombre, porté par des promesses thérapeutiques infondées et une demande croissante pour des produits présentés comme miracles. Derrière ces bouteilles sans étiquette et ces larves vendues à prix d’or se cache une réalité bien plus sombre : un scandale sanitaire en puissance, où la superstition et la cupidité l’emportent sur la science et la sécurité.
En Chine, certaines espèces de frelons, comme le redoutable hongniang, sont capables de tuer un adulte ou de dévastater un écosystème entier. Pourtant, leur élevage et leur vente se poursuivent, alimentés par deux mythes tenaces : celui de leurs vertus médicinales (aphrodisiaques, anti-douleur) et celui de leur valeur gastronomique. Les plateformes en ligne regorgent d’annonces pour des frelons « tête-de-tigre », vendus quelques centimes d’euro et présentés comme des remèdes universels. Dans le Sichuan, le Yunnan ou le Hunan, ce sont jusqu’à 20 tonnes de pupes qui sont écoulées chaque jour, souvent dans des conditions d’hygiène plus que douteuses. Un marché opaque, où le profit prime sur la prudence, et où les consommateurs, trompés par des allégations non vérifiées, s’exposent à des dangers bien réels.
Ce phénomène n’est pas isolé. Il s’inscrit dans une longue série de scandales sanitaires chinois, où la quête du profit a souvent pris le pas sur la protection des citoyens. Du lait frelaté à la mélamine aux vaccins falsifiés, l’histoire récente montre que, lorsque l’argent entre en jeu, les garde-fous s’effritent. Les frelons tueurs ne sont que le dernier avatar de cette logique dangereuse.
Les vendeurs de frelons promettent monts et merveilles : renforcement de la virilité, soulagement des douleurs articulaires, voire guérison de maladies chroniques. Pourtant, aucune étude scientifique sérieuse ne vient étayer ces affirmations. Pire, les risques sont bien réels : réactions allergiques graves, intoxications liées à la consommation d’insectes élevés dans des environnements insalubres, ou encore attaques mortelles lorsque ces frelons, élevés en masse, s’échappent dans la nature.
Les « liqueurs médicinales » à base de frelons, vendues dans des bouteilles en plastique sans étiquette ni date de péremption, sont un parfait exemple de charlatanisme moderne. Sans contrôle qualité, sans traçabilité, ces produits sont une bombe à retardement pour la santé publique. Les consommateurs, souvent des personnes vulnérables en quête de solutions miracles, deviennent les victimes d’une escroquerie organisée.
Les conditions de production de ces liqueurs et de ces larves sont alarmantes. Les frelons sont élevés dans des environnements non régulés, où les normes d’hygiène sont inexistantes. Les bouteilles, remplies à la hâte, peuvent contenir des résidus de pesticides, des bactéries, ou des toxines produites par les insectes eux-mêmes. Dans un pays où les scandales alimentaires ont déjà fait des milliers de victimes, cette nouvelle menace devrait sonner comme un signal d’alarme.
Pourtant, les plateformes comme Alibaba ou WeChat, qui hébergent ces ventes, semblent fermer les yeux. Pourquoi ? La réponse est simple : le profit. Bloquer ces transactions coûterait des millions de yuans en pertes commerciales. Une fois de plus, les géants du numérique chinois privilégient leurs intérêts financiers à la sécurité de leurs utilisateurs.
Alibaba, WeChat et d’autres acteurs majeurs du e-commerce chinois ont les moyens techniques de détecter et de bloquer ces ventes illégales. Pourtant, les annonces pullulent, et les frelons continuent de circuler librement. Cette passivité est d’autant plus choquante que ces entreprises se targuent de promouvoir une économie « saine et durable ». En réalité, leur inaction révèle une complicité tacite avec un système où tout se vend, y compris la santé des consommateurs.
La Chine a déjà connu des crises sanitaires majeures liées à des produits falsifiés ou dangereux. En 2008, le scandale du lait contaminé à la mélamine avait provoqué la mort de plusieurs nourrissons et ébranlé la confiance des consommateurs. Plus récemment, des vaccins falsifiés ont été découverts dans plusieurs provinces, révélant les failles d’un système de contrôle défaillant. Le marché des frelons tueurs s’inscrit dans cette triste tradition : celle d’une économie où la régulation est souvent sacrifiée sur l’autel de la croissance.
Ce qui est particulièrement préoccupant, c’est l’absence de réaction des autorités. Malgré les interdictions officielles, les élevages clandestins prospèrent, et les sanctions restent rares. Les experts tirent la sonnette d’alarme depuis des années, mais leurs avertissements semblent tomber dans l’oreille de sourds. Pendant ce temps, les frelons continuent de proliférer, menaçant non seulement la santé humaine, mais aussi la biodiversité locale.
Ce phénomène rappelle d’autres cas où la crédulité et le manque de régulation ont conduit à des catastrophes. En Europe, la vente de compléments alimentaires non testés a déjà causé des décès. Aux États-Unis, les « remèdes miracles » vendus en ligne ont été à l’origine de nombreuses intoxications. Mais en Chine, l’ampleur du problème est décuplée par l’échelle du marché et la rapidité avec laquelle les produits circulent, grâce aux plateformes numériques.
Dans d’autres pays, des mesures strictes ont été prises pour encadrer la vente de produits présentés comme thérapeutiques. En France, par exemple, les allégations santé sont strictement régulées, et les produits non conformes sont rapidement retirés du marché. Pourquoi la Chine, deuxième économie mondiale, ne parvient-elle pas à mettre en place des garde-fous similaires ?
Le marché des frelons tueurs est un symbole des dérives d’un système où le profit l’emporte sur l’éthique et la sécurité. Tant que les autorités chinoises ne prendront pas ce problème au sérieux, des vies seront mises en danger, et l’environnement continuera de souffrir. Il est temps pour les consommateurs de se méfier des promesses trop belles pour être vraies, et pour les plateformes en ligne d’assumer leurs responsabilités.
La Chine a les moyens de mettre fin à ce scandale. Encore faut-il qu’elle en ait la volonté. En attendant, les frelons tueurs continueront de piquer au sens propre comme au figuré.
Article opinion écrit par le créatrice de contenu : Demba Fall.
Mis en ligne : 07/12/2025
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