L’hiver sénégalais : Quand la météo devient un argument marketing - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Environnement | Par Eva | Publié le 09/12/2025 08:12:30

L’hiver sénégalais : Quand la météo devient un argument marketing

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L’Agence nationale de l’Aviation civile et de la Météorologie (Anacim) vient de publier son bulletin saisonnier, annonçant un hiver 2025-2026 « plus marqué » que les années précédentes. Selon ses prévisions, les températures devraient baisser dès janvier 2026, avec des nuits fraîches sur le littoral et des minimales encore plus basses dans le Nord. Une information présentée comme une nouveauté, voire une alerte, mais qui mérite d’être questionnée : s’agit-il vraiment d’une tendance climatique inquiétante ou d’un simple coup de projecteur sur un phénomène cyclique, savamment exploité pour relancer le business des couvertures et autres accessoires « anti-froid » ? Derrière ces annonces, se cache peut-être moins une urgence météo qu’une stratégie commerciale bien huilée.

Chaque année, le Sénégal connaît une période de fraîcheur relative entre décembre et février, avec des températures oscillant entre 26°C et 35°C selon les régions. Rien de bien nouveau, donc. Pourtant, l’Anacim insiste cette fois sur un « refroidissement notable », comme si le pays allait subir une vague polaire. Or, les chiffres avancés (26 à 30°C sur le littoral, 30 à 34°C dans le centre) restent bien éloignés des standards d’un vrai hiver. À titre de comparaison, en Europe, un hiver à 10°C est considéré comme doux. Alors, pourquoi tant d’emphase ?

La réponse tient peut-être moins à la météo qu’à l’économie. Au Sénégal, comme ailleurs, les prévisions saisonnières sont souvent récupérées par les commerçants pour écouler des stocks. Les couvertures, pull-over et autres braseros envahissent les étals dès les premiers bulletins météo, et les prix grimpent « parce que l’hiver arrive ». Pourtant, ces températures, même en baisse, restent largement supportables pour la majorité de la population. Le vrai froid, celui qui menace la santé ou l’agriculture, concerne surtout les zones rurales du Nord, où les nuits peuvent effectivement être fraîches. Mais pour le reste du pays, l’hiver sénégalais reste un épisode temporaire, bien loin des gelées ou des chutes de neige.

L’Anacim joue son rôle en informant la population. Mais en mettant l’accent sur un « hiver plus marqué », elle alimente involontairement un phénomène bien connu : la psychose du froid. Les médias relaient l’information, les réseaux sociaux s’embrasent, et les vendeurs en profitent pour gonfler les prix. Résultat ? Des Sénégalais qui achètent des couvertures supplémentaires, des accessoires « anti-froid » ou des vêtements chauds… alors que les températures restent clémentes.

Pire, cette surmédiatisation du froid crée une distorsion entre la réalité climatique et la perception des citoyens. À Dakar, où les minimales descendent rarement sous les 18°C, les habitants se ruent sur des équipements superflus, poussés par la peur d’un hiver « exceptionnel ». Une peur entretenu par des commerçants peu scrupuleux, qui surfent sur les annonces de l’Anacim pour booster leurs ventes. Et pendant ce temps, les vrais enjeux comme l’adaptation des logements aux variations de température ou l’accès à l’énergie pour les plus démunis sont relégués au second plan.

26°C le matin à Dakar, c’est frais, mais ce n’est pas l’hiver sibérien. Pourtant, les commerces vendent des articles « anti-froid » comme s’il s’agissait d’une urgence nationale. Une couverture supplémentaire, un pull en laine… des achats souvent inutiles, mais qui rapportent.

Chaque année, la même rituel se répète. Dès que l’Anacim évoque une baisse des températures, les prix des produits « hivernaux » flambent. Les plus touchés ? Les ménages modestes, qui dépensent une partie de leur budget dans des achats non essentiels, par crainte de souffrir du froid.

Plutôt que de discuter des moyens de mieux isoler les logements ou d’aider les populations vulnérables, on préfère parler de l’hiver comme d’une menace imminente. Comme si le Sénégal allait connaître un blizzard.

En Tunisie ou au Maroc, où les hivers sont bien plus rigoureux, les populations sont mieux préparées. Les logements sont isolés, les systèmes de chauffage accessibles, et les campagnes de sensibilisation ciblent les vrais risques (hypothermie, maladies respiratoires). Au Sénégal, on en reste à des annonces spectaculaires… et à des ventes opportunistes.

Cette tendance n’est pas propre au Sénégal. En Côte d’Ivoire ou au Bénin, les bulletins météo annonçant une « légère baisse des températures » déclenchent les mêmes réactions : hausse des prix, publicités pour des produits « indispensables », et une population qui court acheter ce dont elle n’a pas vraiment besoin. La différence ? Dans ces pays, les autorités tentent de réguler les prix et d’informer sur les gestes utiles. Au Sénégal, on se contente de relayer les prévisions, sans accompagnement.

En Europe, les bulletins météo s’accompagnent de conseils pratiques (comment isoler son logement, économiser l’énergie, protéger les personnes âgées). Ici, on se contente d’annoncer le froid… et de laisser les commerçants faire leur beurre.

L’hiver sénégalais de 2026 ne sera probablement pas plus dur que les précédents. Les températures resteront douces, et les seuls à vraiment en pâtir seront ceux qui, chaque année, subissent le froid faute de moyens : les sans-abri, les habitants des zones rurales mal équipées, les familles pauvres. Pour les autres, il s’agira surtout d’un épisode passager, exploité à des fins commerciales.

Alors, avant de courir acheter une couverture à prix d’or, posons-nous les bonnes questions : cet hiver est-il vraiment différent des autres ? Ne sommes-nous pas, une fois de plus, victimes d’un matraquage médiatique et marketing ? Plutôt que de céder à la psychose, exigeons des informations claires, des conseils utiles, et une régulation des prix. Car le vrai scandale, ce n’est pas le froid… c’est celui qui en profite.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Moussa Sow.
Mis en ligne : 09/12/2025

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