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Ce vendredi, lors d’une séance à l’Assemblée nationale, le député Pape Djibril Fall a qualifié le gouvernement d’Ousmane Sonko de « Yambar », un terme wolof signifiant « incompétent ». En réponse, Waly Diouf Bodiang, directeur général du Port autonome de Dakar et proche du Premier ministre, a riposté sur Facebook : « Un individu aussi efféminé que Pape Djibril Fall nous traite de Yambar. Le monde est à l’envers ». Cette réplique, aussi brutale qu’inédite, illustre une dérive inquiétante du débat politique sénégalais, où l’insulte et la personnalisation des attaques remplacent désormais l’argumentation et la responsabilité.
Cette polémique révèle une culture politique de plus en plus toxique, où le mépris affiché envers les critiques devient la norme, au détriment des attentes légitimes des citoyens.
Pape Djibril Fall, député et figure de l’opposition, a interpellé Ousmane Sonko sur un sujet crucial : la baisse promise du prix de l’électricité, annoncée à plusieurs reprises depuis avril 2025, mais toujours reportée. Malgré des déclarations répétées du Premier ministre (« dans les cinq ans », puis « dans quelques jours »), aucune mesure concrète n’a été appliquée à ce jour. Pire, le ministre de l’Énergie a récemment confirmé que « à court terme, une baisse des prix de l’électricité semble improbable », en raison des investissements nécessaires et de la complexité des réformes structurelles. Pourtant, des pays voisins comme la Côte d’Ivoire ont su ajuster leurs tarifs énergétiques en fonction de la baisse du prix du baril, passant à l’acte là où le Sénégal tergiverse.
Face à cette absence de résultats, la réaction de Waly Diouf Bodiang est révélatrice : plutôt que de répondre sur le fond, il a choisi de discréditer son interlocuteur par une attaque personnelle, utilisant un stéréotype genré (« efféminé ») pour détourner l’attention des vrais enjeux. Une stratégie qui, loin d’être anodine, reflète une tendance lourde : celle d’un pouvoir qui préfère l’affrontement à l’explication, et l’humiliation à la transparence.
La question posée par Pape Djibril Fall était claire : « Où en est la promesse de baisse du prix de l’électricité ? ». Au lieu d’apporter des éclaircissements sur les délais, les obstacles ou les alternatives, Waly Diouf Bodiang a opté pour une contre-attaque ad hominem. Cette tactique, loin d’être isolée, s’inscrit dans une logique de diversion systématique. Depuis des mois, les annonces gouvernementales sur la baisse des prix de l’énergie se succèdent… sans effet. Les Sénégalais, eux, attendent des actes. En 2025, le tarif moyen de l’électricité reste élevé (entre 82 et 117 FCFA/kWh selon les tranches), alors que le gouvernement avait promis une réduction à 60 FCFA/kWh « dans les cinq ans » un objectif qui, même en cas de réalisation, ne soulagerait les ménages qu’à long terme.
Qualifier un député d’« efféminé » pour invalider sa critique n’est pas seulement une insulte : c’est une tentative de délégitimer toute opposition par la stigmatisation. Cette pratique n’est pas sans rappeler d’autres contextes africains ou internationaux, où les dirigeants, acculés, recourent à la violence verbale pour museler les voix dissidentes. En Europe, par exemple, les débats politiques, bien que parfois vifs, restent généralement centrés sur les idées et les programmes. Les insultes y sont sanctionnées par l’opinion publique et les institutions, car elles sont perçues comme une faiblesse, pas comme une force. Au Sénégal, en revanche, de tels dérapages semblent se banaliser, au risque d’éroder la qualité du débat démocratique et de décourager la participation citoyenne.
Les promesses non tenues sur l’électricité ne sont qu’un exemple parmi d’autres. Le Premier ministre lui-même a reconnu que « le gouvernement ne sait pas ce que traverse la population », une déclaration qui résume à elle seule le fossé entre le discours officiel et les réalités vécues par les Sénégalais. Dans un pays où le coût de la vie explose et où les ménages peinent à joindre les deux bouts, les polémiques stériles et les attaques personnelles apparaissent comme une provocation de plus.
Dans des pays comme l’Allemagne, la France ou le Canada, les dirigeants répondent aux critiques par des données, des calendriers précis et des comptes-rendus réguliers. Même en Afrique, des nations comme le Botswana ou le Ghana ont su instaurer des mécanismes de reddition des comptes, où les questions parlementaires reçoivent des réponses techniques et argumentées. À l’inverse, au Sénégal, les échanges à l’Assemblée nationale se transforment trop souvent en joutes verbales, où l’ego prime sur l’intérêt général.
En Côte d’Ivoire, par exemple, le gouvernement a profité de la baisse du prix du baril pour ajuster immédiatement les tarifs de l’électricité et des carburants une décision saluée par la population et les observateurs. Au Sénégal, les annonces se multiplient, mais les actes tardent, et les réponses aux critiques se résument à des attaques personnelles ou à des promesses floues. Cette différence d’approche en dit long sur la maturité politique des uns et des autres.
La polémique entre Pape Djibril Fall et Waly Diouf Bodiang est symptomatique d’un malaise plus profond : celui d’une classe politique qui, plutôt que d’affronter les défis avec sérieux, préfère les polémiques et les insultes. Le mépris affiché envers les critiques, l’absence de transparence sur les engagements pris, et le recours systématique à la diversion sont autant de signes d’un gouvernement en difficulté, incapable d’assumer ses responsabilités.
Les Sénégalais ne demandent pas des promesses, mais des résultats. Ils ne veulent pas de polémiques, mais des solutions. Il est temps que le débat politique retrouve sa noblesse, et que les dirigeants comprennent une chose simple : gouverner, ce n’est pas insulter, c’est agir. Le pays a besoin de réponses, pas de réplique. De respect, pas de mépris. Et surtout, d’un pouvoir qui assume ses engagements, plutôt que de se réfugier derrière des attaques personnelles.
En définitive, la vraie « incompétence » n’est pas d’être qualifié de « Yambar » c’est de prouver, chaque jour, que le terme est malheureusement justifié.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Anonyme.
Mis en ligne : 17/12/2025
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