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Le Fonds monétaire international (FMI) a annoncé, ce jeudi, le lancement d’une enquête interne pour comprendre comment une dette cachée de 7 milliards de dollars a pu échapper à sa vigilance au Sénégal. Si l’institution se présente en garante de la transparence, cette initiative soulève plus de questions qu’elle n’apporte de réponses. En réalité, cette enquête ressemble étrangement à une manœuvre de diversion, destinée à détourner l’attention des vrais responsables : les dirigeants sénégalais et les créanciers complaisants. Plutôt qu’une quête de vérité, il s’agit d’une opération de communication pour blanchir une institution dont les failles sont connues de longue date.
La révélation d’une dette cachée de 7 milliards de dollars, accumulée entre 2019 et 2024 sous l’administration de Macky Sall, a plongé le Sénégal dans une crise financière sans précédent. Selon la Cour des comptes et le FMI lui-même, l’endettement réel du pays atteint désormais près de 120 % du PIB, bien au-delà des 70 % officiellement déclarés. Cette dissimulation a non seulement trompé les Sénégalais, mais aussi les bailleurs internationaux, entraînant la suspension des programmes d’aide et une perte de confiance généralisée. Pourtant, le FMI, chargé de surveiller les finances publiques du pays, n’a rien vu venir. Comment une telle opacité a-t-elle pu persister sous le nez d’une institution censée être le gardien de la rigueur budgétaire ?
Le choix d’une enquête interne, plutôt qu’indépendante, est révélateur. Le FMI a déjà été critiqué pour son manque de transparence et ses conflits d’intérêts, notamment dans des affaires similaires au Mozambique, où une dette cachée de 2 milliards de dollars avait été ignorée pendant des années. Dans ce cas comme dans d’autres, les enquêtes internes n’ont abouti à aucune sanction concrète contre les responsables politiques ou les créanciers. Pire, elles ont souvent servi à protéger l’institution elle-même, en évitant de remettre en cause ses propres méthodes de surveillance.
Les précédents sont édifiants : au Mozambique, la découverte de dettes occultes en 2016 avait provoqué un scandale international et un défaut de paiement, sans que le FMI ne tire toutes les conséquences de ses propres défaillances. Aujourd’hui, au Sénégal, l’institution se contente de promettre des « renforcements » de ses processus, sans interroger les liens entre ses experts et les gouvernements qu’ils sont censés contrôler. Les déclarations de Julie Kozack, porte-parole du FMI, sur le renforcement des « cadres d’intégrité des données » sonnent creux : comment croire en une réforme alors que les mêmes mécanismes ont échoué à prévenir des scandales répétés ?
Les enquêtes internes du FMI sont rarement suivies d’effets. Elles permettent à l’institution de marquer des points en communication, tout en évitant une remise en cause profonde de son fonctionnement. Au Mozambique, aucune sanction n’a été prise contre les dirigeants impliqués dans la dette cachée, et les créanciers (banques privées, fonds d’investissement) n’ont jamais été tenus pour responsables. Au Sénégal, rien ne laisse penser que cette fois sera différente.
Le FMI est structurellement lié aux gouvernements qu’il surveille. Ses décisions sont influencées par les grands pays contributeurs, et ses rapports dépendent souvent de la bonne volonté des États membres. Dans le cas sénégalais, comment expliquer que des missions régulières du FMI n’aient pas détecté des irrégularités aussi massives ? La réponse tient sans doute à la complicité passive, voire active, de certains acteurs internationaux, qui ferment les yeux sur les dérives tant que leurs intérêts sont préservés.
Alors que la Cour des comptes sénégalaise a pointé du doigt des « surfinancements » et des montants empruntés supérieurs aux besoins réels, aucun responsable politique n’a encore été inquiété. Les créanciers, eux, continuent de réclamer le remboursement de dettes contractées dans l’opacité. Le FMI, en se concentrant sur ses propres « failles », évite soigneusement de poser la question centrale : qui a bénéficié de ces fonds, et dans quelles conditions ?
L’affaire sénégalaise rappelle étrangement le scandale mozambicain, où des emprunts secrets avaient été garantis par l’État sans contrôle parlementaire. Dans les deux cas, le FMI a été pris de court, révélant l’inefficacité de ses mécanismes de surveillance. Pourtant, aucune réforme majeure n’a été engagée après le Mozambique. Pourquoi en irait-il autrement pour le Sénégal ?
L’enquête du FMI sur la dette cachée du Sénégal est une diversion, destinée à protéger l’institution et à éviter de désigner les vrais coupables. Tant que les enquêtes resteront internes, que les responsables politiques et les créanciers ne seront pas tenus pour responsables, et que les conflits d’intérêts ne seront pas résolus, ces scandales se répéteront. Pour les Sénégalais, la facture sera lourde : austérité, coupes budgétaires, et un endettement qui hypothèque l’avenir du pays. La vraie question n’est pas de savoir comment le FMI a pu manquer ces anomalies, mais pourquoi il persiste à se voiler la face.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Mbaye Sonko.
Mis en ligne : 21/12/2025
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