Les autorités tunisiennes ont procédé cette semaine au démantèlement de plusieurs dizaines de camps de fortune installés par des migrants subsahariens, principalement autour des villes d’El Amra et de Jebeniana, dans la région de Sfax. Une opération d’envergure qui intervient dans un contexte de forte tension entre populations locales et migrants, et sous le regard attentif de l’Union européenne.
Installés depuis des mois sur des terrains privés, ces campements ont souvent été le théâtre de heurts, parfois violents, entre migrants et riverains. Les habitants des zones concernées dénonçaient régulièrement l’insécurité croissante, pointant du doigt la précarité sanitaire des installations et des altercations récurrentes.
À El Amra, pas moins de 17 camps auraient été recensés, selon le député local Tarek Mahdi, qui s’est exprimé sur les ondes d’une radio nationale. Des manifestations de résidents y avaient été organisées pour exiger une réponse des autorités.
Le général de brigade Hossam Eddine Jababli, porte-parole de la Garde nationale tunisienne, a confirmé mercredi à l’Associated Press que l’objectif de ces opérations de ratissage était de « garantir la santé et la sécurité ». Environ 200 migrants subsahariens ont été interpellés, selon les autorités, qui affirment avoir également découvert des armes blanches dans certaines caches improvisées.
Au-delà de l’aspect sécuritaire, cette opération soulève des questions sur la gestion migratoire du pays, situé à moins de 200 kilomètres des côtes italiennes. Les autorités tunisiennes redoublent d’efforts pour enrayer les départs vers l’Europe, alors que des milliers de migrants utilisent encore les côtes de Sfax comme point de départ vers Lampedusa. Fin février, 432 personnes avaient ainsi réussi à rallier l’Italie, selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).
Si le démantèlement a été présenté comme pacifique par les autorités, les inquiétudes n’en demeurent pas moins vives parmi les communautés migrantes. Des vidéos circulant sur les réseaux sociaux ces derniers jours accusent, sans preuves, les autorités tunisiennes et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) de vouloir piéger les migrants en les déportant sous de faux prétextes vers les frontières algériennes ou libyennes.
Des accusations que le président tunisien Kais Saied a fermement réfutées. Lors d’une déclaration à la presse à Monastir, il a insisté sur le caractère humanitaire de l’opération, soulignant qu’elle avait été conduite « sans violence ni coercition », et que le but était d’empêcher l’occupation illégale de propriétés privées.
Depuis le début de l’opération, les migrants concernés ont été déplacés vers un site étatique à Bir Mellouli, au sud-ouest de Sfax. Le gouvernement affirme collaborer avec des agences internationales pour faciliter le retour volontaire des personnes désireuses de regagner leur pays d’origine.
Mais sur le terrain, les craintes d’expulsions forcées refont surface, réveillant le spectre d’épisodes précédents où des migrants avaient été conduits de force vers des zones désertiques et dangereuses. Dans une Tunisie fragilisée par la crise économique et les tensions sociales, la gestion de la question migratoire demeure un casse-tête politique, à la croisée des impératifs sécuritaires, humanitaires et diplomatiques.
Article écrit par : Amadou Diop
Mis en ligne : 11/04/2025
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