Parfois, tout est dit par les symboles. Ce mardi 6 mai, l’élection de Friedrich Merz, chef des conservateurs allemands et vainqueur des élections fédérales du 23 février, aurait dû être menée sans tremblement. Ce devait être une formalité. Une séquence bien huilée du rituel démocratique allemand.
Et pourtant, l’impensable a été constaté : la désignation de Friedrich Merz au premier tour par le Bundestag a été manquée. Un accroc jamais observé depuis la naissance de la République fédérale d’Allemagne. Un faux départ a ainsi été révélé. Et de lourdes conséquences sont désormais redoutées.
Friedrich Merz n’a recueilli que 310 voix sur 621 exprimées, quand il lui en fallait 316. Certes, il a été élu au second tour dans l’après-midi, avec 325 voix. Mais le mal est fait. Le chef de file de la CDU-CSU accède au pouvoir affaibli, lesté d’une légitimité contestée, porté par une majorité qui tient plus du bricolage que d’un élan populaire. Ce revers est un avertissement : sa coalition ne tient que sur un fil.
Car ce gouvernement d’union entre la CDU-CSU et le SPD, s’il parvient tant bien que mal à additionner des sièges, ne parvient pas à additionner les cœurs. Il ne parle pas à l’Allemagne réelle. Lors des dernières législatives, les deux partis dits « traditionnels » ont enregistré des scores historiquement bas. Le SPD a touché le fond, et la CDU, malgré sa première place, a signé son deuxième pire résultat depuis 1949. L’élection de Friedrich Merz ne couronne pas une victoire populaire, elle sanctionne un système politique à bout de souffle.
Le politologue Martin Baloge l’a dit sans détour : Friedrich Merz arrive au pouvoir avec « une légitimité électorale très faible ». Ce constat, brutal mais lucide, renvoie à une question fondamentale : peut-on gouverner efficacement, porter des ambitions internationales, engager des réformes profondes, lorsqu’on peine déjà à réunir une majorité d’apparat au Parlement ? L’échec du premier tour n’est pas un accident technique. C’est un symptôme.
L’AfD, à l’affût, ne s’y est pas trompée. Alice Weidel, sa dirigeante, a immédiatement exigé de nouvelles élections, dénonçant la « fragilité » de la coalition en place. Derrière cette posture opportuniste, une vérité dérangeante affleure : l’extrême droite monte parce que les partis dits de gouvernement reculent. Leur alliance par défaut nourrit le ressentiment, renforce l’idée d’une élite déconnectée, et ouvre un boulevard aux forces populistes.
Friedrich Merz voulait incarner la stabilité, la compétence, le retour à une forme d’ordre conservateur. Son investiture ratée sonne déjà comme une promesse non tenue. En matière de symbole, on pouvait rêver mieux qu’un chancelier contraint de quémander quelques voix supplémentaires entre deux votes pour assurer son trône.
Le pouvoir ne se décrète pas. Il se conquiert. Et surtout, il se mérite. L’Allemagne vient peut-être de faire entrer à la chancellerie un homme déjà en sursis.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Pauline Diouf.
Mis en ligne : 11/05/2025
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