Un an après le drame : L’affaire a disparu des radars - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - People | Par Eva | Publié le 26/08/2025 08:08:30

Un an après le drame : L’affaire a disparu des radars

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Il y a un an, la disparition tragique d’Aziz Dabala, danseur talentueux de Coumba Gawlo Seck, et de son colocataire Wally Gano bouleversait le Sénégal. Les médias s’étaient saisis de l’affaire, relayant l’émotion collective, les hommages et les multiples interrogations. Pourtant, aujourd’hui, le silence médiatique est assourdissant. Alors que l’enquête piétine et que les familles attendent toujours des réponses, les journalistes semblent avoir tourné la page.

Ce désintérêt interroge : le rôle des médias est-il seulement de partager la douleur des proches, ou aussi de chercher la vérité, même une fois l’émotion retombée ?

Au lendemain du drame, la couverture médiatique avait été intense. Les titres s’enchaînaient, les directs sur les réseaux sociaux se multipliaient, et l’opinion publique était en ébullition. Un an plus tard, force est de constater que l’affaire a disparu des radars. Pourtant, les zones d’ombre persistent : l’enquête n’a toujours pas abouti, certains suspects arrêtés ont été libérés, et les familles, livrées à elles-mêmes, réclament justice dans une indifférence générale.

Ce traitement irrégulier n’est pas un cas isolé. Au Sénégal comme dans plusieurs pays de la sous-région, des affaires judiciaires non résolues finissent souvent par s’effacer des colonnes des journaux, faute de suivi rigoureux ou de moyens suffisants.

L’affaire Aziz Dabala et Wally Gano illustre un phénomène récurrent : une médiatisation à géométrie variable. Les médias, captivés par l’émotion immédiate, se mobilisent dans l’urgence, mais peinent à assurer un suivi sur la durée. Pourtant, c’est sur le temps long que se joue la crédibilité du quatrième pouvoir. Dans d’autres pays, certaines affaires emblématiques ont montré que la pression médiatique peut accélérer les enquêtes et contraindre la justice à rendre des comptes. Au Sénégal, en revanche, l’absence de suivi systématique laisse le champ libre à l’oubli et à l’impunité.

Les raisons de ce désengagement sont multiples. La précarité de la presse, déjà fragilisée par la disparition de titres majeurs, limite les capacités d’investigation. Les rédactions, sous-financées, privilégient l’actualité immédiate et spectaculaire au détriment des dossiers de fond. Pourtant, le rôle des médias ne se résume pas à informer : il consiste aussi à interroger, à relancer, à maintenir la pression sur les institutions. Dans l’affaire Dabala-Gano, les questions essentielles restent sans réponse : pourquoi les suspects ont-ils été libérés ? Quels sont les nouveaux indices évoqués par la police ? Pourquoi les familles sont-elles laissées dans l’attente ?

Le suivi médiatique en pointillés est le premier signe d’une presse en crise : après le buzz initial, les journalistes se contentent de relayer des rumeurs ou des déclarations isolées, sans véritable enquête de fond. Ce retrait révèle l’absence d’un véritable contre-pouvoir. Dans un contexte où la justice peine à inspirer confiance, les médias devraient jouer un rôle de vigilance accrue. Or, ils se montrent discrets, laissant les familles et la société civile porter seules la demande de vérité. On assiste ainsi à un journalisme à courte vue, guidé par la logique du clic et de l’audience immédiate, au détriment de l’exigence de transparence.

En Afrique de l’Ouest, ce schéma se répète souvent : un début tonitruant suivi d’un silence assourdissant. En Côte d’Ivoire ou au Mali, des dossiers sensibles ont connu le même sort, étouffés par le manque de moyens ou la frilosité politique. A contrario, dans des contextes où la presse joue pleinement son rôle, comme en Europe ou aux États-Unis, la persistance médiatique a permis de faire bouger les lignes et d’obtenir des avancées judiciaires. Ces comparaisons montrent bien que tout dépend de la volonté et du courage des journalistes à tenir bon face aux obstacles.

L’affaire Aziz Dabala et Wally Gano met crûment en lumière les limites du journalisme sénégalais. Les médias ont le devoir de ne pas se contenter de l’émotion passagère, mais d’accompagner les familles et la société dans leur quête de justice. Il est temps de passer d’un journalisme de l’instant à un journalisme d’investigation, capable de confronter les pouvoirs publics et de garantir que chaque vie compte, même au-delà de l’actualité.

Les journalistes doivent reprendre ce dossier, non pas pour un énième hommage, mais pour obtenir des réponses claires. La société civile doit exiger des comptes, et l’État doit garantir les moyens d’une presse libre et rigoureuse. La justice ne doit pas être une affaire de saison, mais une exigence permanente.

Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Anta Diba.
Mis en ligne : 26/08/2025

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