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Le gouvernement sénégalais a récemment exprimé son étonnement face aux sanctions imposées par les États-Unis à quatre magistrats de la Cour pénale internationale (CPI), dont le juge sénégalais Mame Mandiaye Niang. Ces mesures, qualifiées d’inacceptables par Dakar, visent des juges dans l’exercice de leur mission internationale.
Si le communiqué officiel sénégalais appelle au respect de l’indépendance de la justice, il est temps de souligner ce que ces sanctions révèlent : une dangereuse inversion des valeurs, où une grande démocratie utilise des méthodes habituellement réservées aux régimes autoritaires pour museler des magistrats indépendants.
La CPI, créée par le Statut de Rome en 1998, est la première juridiction permanente compétente pour juger les crimes les plus graves, tels que le génocide, les crimes contre l’humanité ou les crimes de guerre. Elle incarne l’espoir d’une justice internationale impartiale, soutenue par 125 États parties. Pourtant, depuis quelques années, les États-Unis multiplient les sanctions contre ses membres, accusant la Cour de politisation et de menacer leur souveraineté.
Les dernières mesures, annoncées en août 2025, ciblent des juges impliqués dans des enquêtes sur des crimes présumés commis par des ressortissants américains et israéliens. Interdiction d’entrée sur le sol américain, gel des avoirs et restrictions financières : ces sanctions rappellent étrangement les pratiques de régimes cherchant à intimider ou contrôler leur justice.
Les sanctions économiques sont généralement réservées aux dirigeants corrompus, aux violateurs des droits de l’homme ou aux acteurs de conflits armés. Les appliquer à des juges indépendants, chargés de rendre la justice au nom de la communauté internationale, constitue une inversion des valeurs fondamentales de l’État de droit. Le danger est double. Pour les magistrats, il devient difficile de rendre la justice sereinement si chaque décision peut déclencher des représailles. Le risque est réel de voir des juges hésiter à poursuivre des dossiers sensibles par crainte de sanctions personnelles. Pour la justice internationale, en affaiblissant la CPI, ces mesures sapent le seul mécanisme capable de juger les crimes les plus graves lorsque les juridictions nationales échouent ou refusent d’agir.
Les régimes autoritaires ont une longue histoire de pressions sur les juges. En Hongrie, en Pologne ou sous certaines administrations aux États-Unis, on a vu des gouvernements limiter l’indépendance de la justice, révoquer des magistrats ou les soumettre à des pressions politiques. En sanctionnant des juges de la CPI, Washington adopte une logique similaire : punir ceux qui osent enquêter sur des alliés ou des intérêts nationaux.
Pourtant, la CPI n’est pas une cour politique, mais une institution judiciaire dont le mandat est de protéger les victimes, où qu’elles se trouvent. Dans d’autres contextes, en Russie, des juges indépendants sont régulièrement écartés ou menacés pour avoir rendu des décisions gênantes pour le pouvoir. En Turquie ou en Chine, des magistrats sont emprisonnés ou révoqués pour avoir défendu l’État de droit. Ces exemples soulignent le danger que représente la normalisation de telles pratiques dans des démocraties puissantes.
Sanctionner des juges pour avoir accompli leur travail, c’est franchir une ligne rouge. C’est aussi envoyer un message clair : certains États se placent au-dessus des lois, même internationales. Face à cette dérive, la communauté internationale doit réagir avec fermeté. Les 125 États parties à la CPI, ainsi que tous ceux qui croient en la justice, doivent réaffirmer leur soutien à la Cour et à ses magistrats. Le Sénégal, premier signataire du Statut de Rome, a raison de dénoncer ces mesures. Mais il faut aller plus loin : protéger les juges, condamner les ingérences et rappeler que la justice ne doit jamais être un otage de la politique.
La question est simple : voulons-nous d’un monde où les puissants décident qui peut être jugé, ou d’un monde où la justice s’applique à tous, sans exception ? La réponse doit être sans ambiguïté.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Saliou Mbaye.
Mis en ligne : 04/09/2025
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