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Le 1er septembre 2025, Nestlé annonçait le licenciement immédiat de son directeur général, Laurent Freixe, pour avoir entretenu une « relation amoureuse non déclarée avec une subordonnée directe ». Le conseil d’administration justifiait cette décision par la nécessité de préserver « les valeurs de Nestlé et une bonne gouvernance ». Pourtant, cette sanction expéditive contraste étrangement avec la mansuétude dont bénéficie le géant suisse face à des scandales bien plus graves : pollution massive de ses sources d’eau, utilisation de traitements interdits, décharges sauvages, et même des poursuites pour homicide involontaire.
À l’heure où les entreprises brandissent la morale pour licencier, on est en droit de s’interroger : pourquoi une histoire d’amour entre adultes consentants est-elle plus grave que des années de pratiques environnementales et sanitaires douteuses ?
Depuis 2024, Nestlé est au cœur de plusieurs affaires retentissantes. En janvier 2024, une enquête du Monde et de Radio France révélait que 30 % de ses marques d’eau minérale (Contrex, Hépar, Vittel) avaient recours à des traitements de purification interdits, dissimulés aux autorités sanitaires, pour masquer la contamination de leurs sources par des pesticides, des matières fécales et des microplastiques jusqu’à 1,3 million de fois supérieures aux normes dans certaines bouteilles. Pire, l’entreprise est accusée d’avoir abandonné des centaines de milliers de mètres cubes de déchets dans les Vosges, polluant durablement les nappes phréatiques et menaçant la biodiversité. En 2024, Nestlé France a même été inculpée pour « homicide involontaire » après la mort de deux enfants intoxiqués par des pizzas Buitoni contaminées à la bactérie E. coli. Malgré ces faits accablants, aucun dirigeant n’a été évincé avec une telle célérité.
Le licenciement de Laurent Freixe intervient alors que Nestlé est déjà fragilisée par ces scandales. Pourtant, le communiqué du groupe ne mentionne aucune sanction pour ces infractions environnementales et sanitaires, mais insiste sur la « nécessité » de sanctionner une relation amoureuse. Cette disproportion est frappante : une relation consentie, même non déclarée, est jugée plus dommageable pour l’image de l’entreprise que des années de tromperie sur la qualité de ses produits ou de pollution avérée.
Cette décision s’inscrit dans une stratégie de communication bien rodée : en sacrifiant un dirigeant pour une faute morale, Nestlé détourne l’attention des vrais problèmes. Le code de conduite, brandi comme un étendard de vertu, devient un outil commode pour éliminer un dirigeant dont la gestion dérange Freixe n’était en poste que depuis un an, après l’éviction tout aussi brutale de son prédécesseur. On peut légitimement se demander si cette relation amoureuse n’est pas un prétexte pour masquer des désaccords stratégiques ou des échecs internes.
Nestlé tolère des pratiques illégales (traitements interdits, décharges sauvages, risques sanitaires) pendant des années, mais licencie sans délai pour une relation amoureuse. Où est la cohérence ? Les consommateurs et les salariés ont le droit de s’interroger : une entreprise qui pollue impunément et met en danger la santé publique a-t-elle vraiment le droit de donner des leçons de morale ?
Les règles internes sont souvent utilisées pour évincer des dirigeants gênants, sous couvert de « bonne gouvernance ». Dans le cas de Freixe, l’enquête interne a été menée en urgence, et la sanction appliquée sans appel. À l’inverse, les scandales environnementaux, bien documentés, n’ont jamais entraîné de départs aussi rapides au plus haut niveau. Cette sélectivité révèle une gouvernance plus préoccupée par l’image que par l’éthique.
Nestlé se targue de valeurs fortes, mais ses actes contredisent ses discours. Alors que le groupe est poursuivi pour pollution et tromperie, il choisit de sanctionner une faute personnelle plutôt que de nettoyer ses propres décharges au sens propre comme au figuré. Cette posture moralisatrice sonne faux quand on connaît l’ampleur des manquements environnementaux et sanitaires du groupe.
En France, les relations amoureuses au travail sont courantes (1 personne sur 2 déclare en avoir eu une) et rarement sanctionnées, sauf en cas de conflit d’intérêts avéré. La plupart des entreprises préfèrent encadrer ces situations (déclaration, changement de service) plutôt que d’interdire. Aux États-Unis, des géants comme Google ou Facebook ont assoupli leurs politiques, reconnaissant l’inévitable et privilégiant la transparence. Nestlé, elle, opte pour la répression, comme si interdire l’amour pouvait effacer ses autres turpitudes.
Le cas de Laurent Freixe illustre le deux poids, deux mesures des grandes entreprises. Nestlé préfère licencier pour une relation amoureuse plutôt que d’affronter ses responsabilités environnementales et sanitaires. Cette décision, présentée comme un gage de rigueur, révèle surtout une gouvernance à la dérive, où la communication prime sur la réalité.
Plutôt que de brandir la morale, Nestlé ferait mieux de nettoyer ses sources, assumer ses erreurs, et cesser de sacrifier ses dirigeants sur l’autel de l’hypocrisie. Car une entreprise qui tolère la pollution mais punit l’amour perd toute crédibilité et risque, à terme, de perdre bien plus que son directeur général.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Roland.
Mis en ligne : 06/09/2025
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