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L’annonce de la chute de Pokola Baldé du troisième étage d’un immeuble à la Cité Mixta a immédiatement saturé les médias et les réseaux sociaux. Le jeune lutteur, neveu d’Ama Baldé, a été pris en charge, examiné, et déclaré hors de danger. L’information a été relayée en boucle, suscitant une vague d’émotion et de commentaires. Pourtant, au-delà du soulagement légitime, cette surmédiatisation interroge : pourquoi accorder une telle attention à un incident, aussi spectaculaire soit-il, alors que des milliers de Sénégalais font face quotidiennement à des problèmes structurels bien plus graves et bien moins médiatisés ? L’accès aux soins, la sécurité des bâtiments, l’éducation, ou encore la précarité sociale sont des urgences qui peinent à trouver leur place dans le paysage médiatique, noyées sous le poids des faits divers et du culte des personnalités publiques.
Le Sénégal de 2025 est confronté à des enjeux majeurs : l’accès à l’eau potable reste un défi de taille, avec des infrastructures vieillissantes et une gestion critique des ressources. Le système de santé, malgré quelques avancées, souffre de carences criantes, notamment en zones rurales, où le manque de personnel et d’équipements aggrave les inégalités. Les accidents de la route, souvent liés à l’insécurité des infrastructures, font des centaines de victimes chaque année, sans pour autant mobiliser l’attention collective. Pourtant, ces sujets, qui touchent directement la vie de millions de citoyens, sont régulièrement éclipsés par des événements anecdotiques, transformés en spectacles médiatiques.
La chute de Pokola Baldé, aussi dramatique soit-elle, n’est qu’un exemple parmi d’autres de cette tendance à privilégier l’émotion immédiate au détriment d’une réflexion de fond. Le lutteur, star de la lutte traditionnelle, incarne une passion nationale, mais son accident ne doit pas occulter les réalités bien plus lourdes qui pèsent sur le quotidien des Sénégalais.
L’incident impliquant Pokola Baldé a été traité comme une urgence nationale, avec des mises à jour en temps réel, des interviews d’experts, et des débats sur les réseaux sociaux. Pourtant, la même énergie n’est pas déployée pour parler des hôpitaux sous-équipés, des écoles délabrées, ou des routes dangereuses. La culture du buzz, alimentée par les médias et les réseaux sociaux, crée une hiérarchie de l’information où le sensationnel prime sur l’essentiel.
Cette dérive n’est pas nouvelle. Elle reflète une société en quête de distractions, où les drames individuels deviennent des produits de consommation, tandis que les crises systémiques sont reléguées au second plan. Le cas de Pokola Baldé est symptomatique d’un phénomène plus large : la médiatisation excessive des personnalités publiques, qu’elles soient sportives, politiques ou artistiques, détourne l’attention des vrais enjeux. Les médias, sous pression économique et concurrentielle, privilégient souvent l’audience facile, au détriment d’un journalisme d’investigation ou de solutions.
Les grèves répétées des médecins, les pénuries de médicaments, et l’insuffisance des infrastructures sanitaires sont des réalités quotidiennes pour de nombreux Sénégalais. En février 2025, le Syndicat Autonome des Médecins dénonçait encore la panne prolongée des équipements de radiothérapie à l’hôpital Dalal Jamm, mettant en danger la vie de patients atteints de cancer. Pourtant, ces alertes peinent à faire la une, contrairement à la chute d’un lutteur.
Les effondrements et accidents liés à la vétusté des constructions sont fréquents à Dakar, mais rarement médiatisés avec la même intensité. En juin 2025, un grave accident de la route à Mboro-sur-Mer a coûté la vie à six personnes, sans déclencher une telle mobilisation.
L’accès à l’eau potable et à une éducation de qualité sont des droits fondamentaux, mais leur traitement médiatique reste marginal. Les rapports sur la rareté de l’eau ou la précarité des écoles ne suscitent pas la même indignation que le sort d’une célébrité.
En choisissant de surmédiatiser certains événements, les médias participent à une forme de diversion collective. Ils répondent à une demande de spectacle, mais contribuent aussi à entretenir une culture de l’immédiateté, où l’émotion l’emporte sur la réflexion.
La chute de Pokola Baldé rappelle d’autres cas où des accidents ou des crises sociales ont été ignorés ou minimisés. En juillet 2025, 69 personnes sont mortes dans des accidents de la route au Burkina Faso, un bilan tragique qui n’a pas bénéficié d’une couverture médiatique proportionnelle. Au Sénégal même, les accidents domestiques, les décès liés à la tuberculose dans des quartiers surpeuplés, ou les difficultés des femmes rurales à accéder aux soins sont des drames silencieux, rarement portés à la connaissance du grand public.
Cette sélectivité de l’information pose question : pourquoi un lutteur blessée mobilise-t-il plus d’attention qu’un enfant mourant faute de soins, ou qu’une famille victime d’un effondrement de bâtiment ? La réponse tient sans doute à la fascination pour les idoles et à la recherche de l’audience, mais aussi à une forme de résignation collective face aux problèmes structurels.
La chute de Pokola Baldé est un événement malheureux, mais son traitement médiatique révèle un déséquilibre préoccupant. Tant que l’opinion publique et les médias privilégieront le spectacle à la substance, les vrais défis du Sénégal resteront dans l’ombre. Il est temps de demander des comptes : pourquoi parle-t-on plus de la santé d’un lutteur que de celle des hôpitaux ? Pourquoi un accident individuel éclipse-t-il des crises qui touchent des milliers de personnes ?
La réponse ne viendra pas seulement des médias, mais aussi des citoyens. Il appartient à chacun de refuser la distraction facile et d’exiger une information plus équilibrée, plus responsable. Le rétablissement de Pokola Baldé est une bonne nouvelle, mais il ne doit pas servir de rideau de fumée. Le Sénégal mérite mieux que le cirque médiatique : il mérite une attention soutenue sur ce qui compte vraiment.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Souleymane.
Mis en ligne : 06/09/2025
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